Le comité national d'évaluation organisait, à Dijon, les 10 et 11 Juin un colloque à l'occasion de ses 20 ans : "De Berlin à Bergen : nouveaux enjeux de l'évaluation"

Le comité national d'évaluation organisait, à Dijon, les 10 et 11 Juin un colloque à l'occasion de ses 20 ans : "De Berlin à Bergen : nouveaux enjeux de l'évaluation"

Riche de part ses intervenants et les thématiques abordées ce forum fut l'occasion d'un constat alors que cette autorité administrative indépendante entre dans l'âge adulte.

Le CNÉ a commencé son activité en 1985 avec pour mission d'évaluer les institutions de l'enseignement supérieur et émettre des avis généraux concernant cet environnement.

Ceci afin de rendre compte à l'ensemble de la société du fonctionnement de l'enseignement supérieur, améliorer les établissements, contribuer au développement de leur autonomie.

Jean-Loup JOLIVET, délégué général du CNÉ, est revenu sur la naissance de cette organisme en précisant que "ce qui pouvait être perçu comme un embryon de corps d'inspection des activités universitaires d'enseignement et de recherche n'allait pas de soi ; la vigueur des débats au Parlement en témoigne. Un parlementaire s'exprimera en ces termes au sujet du projet : "Cela pourrait faire craindre aux chercheurs et aux enseignants que leurs travaux ne soient l'objet d'un jugement, sans qu'ils puissent être entendus. Voilà pourquoi cette disposition me semble receler, à l'usage, un certain danger de perversité"

Nous sommes aujourd'hui bien loin d'un tableau aussi sombre, l'évaluation étant d'abord envisagée comme un outil à l'attention des établissements qui doivent se l'approprier pour en faire un facteur de progrès.

Le défi de la terminologie

Avec clairvoyance les organisateurs de ces journées ont prévu l'intervention de Jacques Dejean, consultant, qui a procédé à une "clarification conceptuelle" des terminologies employées. Il est toujours très intéressant de s'entendre sur le sens exact des mots. Ceci permet d'éviter les malentendus, contresens et mésententes, véritables sacs de sable versés sur les rouages sensibles de l'harmonisation européenne de l'enseignement supérieur.

Ainsi Jacques Dejean introduit son propos en insistant "sur cette distinction entre évaluation et contrôle car dans le monde enseignant, quand on parle d'évaluation, beaucoup pensent souvent contrôle".

Selon l'intervenant il "est très frappant de constater que les multiples textes qui parlent d'évaluation de la qualité ou d'assurance qualité dans l'enseignement supérieur ne précisent quasiment jamais de quoi il s'agit : à titre d'exemple, les déclarations ou communiqués de Bologne, de Salamanque et de Prague évoquent tous la qualité sans dire ce que ses auteurs entendent par là"

Avec justesse ce professeur de management à l'ESIEEP a choisi de présenter au public des phrases chocs extraites de ses lectures qui rappellent à beaucoup l'essentiel du sens que l'on donne à l'évaluation et des difficultés qui l'entourent. Lesquelles sont surtout issues de la nature de l'objet évalué : un service.

A la différence d'un bien matériel, quantifiable, le service est plus délicat à approcher.

Comment évaluer ce type de bien?

En quelques mots un cadre est proposé pour comprendre avec justesse l'emploi qui peut être fait de ces terminologies et parvenir à clarifier la spécificité de l'enseignement supérieur qui ne peut être évalué comme un classique fournisseur de service.

En jetant un oeil chez les voisins

Plusieurs intervenants Européens ont ensuite fait part de leurs expériences respectives. Ont ainsi pu être entendus Falk Bretschneider (membre du Conseil allemand d'accréditation), Horst Hippler (recteur de l'Université de Karlsruhe) ou bien Fiona Crozier (membre de la Quality Assurance Agency for Higher Eductaion).

L'ensemble de ses interventions ont démontré, selon Claude Laugénie (membre du CNÉ), que les "objectifs et méthodes de l'évaluation ne sont pas figés une fois pour toutes. [L'exemple Anglais] montre aussi qu'il n'y a pas d'opposition absolue entre l'accréditation ou l'évaluation de programmes et l'évaluation institutionnelle. Chaque pays se situe entre ces deux approches au rythme de sa culture, de son histoire et de l'évolution de ses structures universitaires"

M Laugénie, dans son intervention concernant l'évaluation institutionnelle en France, a rappelé quelques éléments essentiels concernant les missions du CNÉ .

"Le CNÉ ne prescrit pas; il recommande, il préconise. C'est un choix. On observera que ce choix est orthogonal à une certaine demande sociale ou publique relayée par la presse [..] qui consiste à classer les établissements [..] Le "ranking" est l'outil de prédilection des sociétés consuméristes. Le CNÉ ne s'y est pas résolu pour plusieurs raisons. Tout d'abord, classer les universités équivaut à changer l'objectif de la démarche. Dans ce cas l'instance d'évaluation en dialogue plus, elle se met en situation d'audit externe. Par ailleurs on sait que les classements sont très dépendants des faisceaux d'indicateurs utilisés et que l'on peut, même s'ils sont très attrayants, émettre à leur égard de fortes réserves méthodologiques".

Plusieurs établissements français sont venus parler de leurs relations avec le CNÉ. Ainsi Yannick Vallée, président de Grenoble I, souligne l'importance des conclusions du comité. Les conseils ont été suivis d'effets et les universités grenobloises ont réussi à travailler ensemble pour former Grenoble Universités. La venue des experts du CNÉ a agit comme le catalyseur d'une volonté de changement préexistante. L'expertise a permis de véhiculer un message clair vis à vis des acteurs, aidant ainsi au changement.

Le rapport de suivi de l'évaluation de l'université de Picardie abonde dans ce sens (cf lien ci-dessous). L'université s'est appuyée sur le texte des experts pour s'engager dans une suite de réformes dont elle ressentait le besoin.

Un "mode d'emploi" reconnu par les acteurs

Le livre des références, objet de nombreux débats, est un pilier essentiel des évaluations menées dans les établissements. Qualifié de pertinent par Richard Descoings cet outil regroupe les questions principales qu'un établissement doit se poser pour orienter avec efficacité son regard introspectif.

La conclusion de Gilles Bertrand, président du CNÉ, a embrassé l'ensemble des idées et opinions qui ont pu être émises lors des ces deux journées d'échange.

Il dégage certains éléments clés en résumant les propos tenus en chaire qui ont affirmé "la priorité de l'auto-évaluation, gage de l'autonomie, de la responsabilité et de la diversité des établissements" qui s'accompagne d'une indispensable "évaluation externe qui doit être conduite par rapport aux missions de l'université".

Gilles Bertrand rappelle la nécessaire indépendance des évaluateurs. Le comité ayant acquis le statut d'autorité administrative indépendante cette indépendance est un fait indiscutable. C'est un élément indispensable de cette "culture de la qualité" qui est appelée à naître au sein des établissements.

Vingt ans d'existence mais une "évaluation [qui est] partout adolescente et en évolution". Un bel anniversaire tout de même pour l'ensemble des acteurs de ce milieu, un moment privilégié qui a permis de confirmer les acquis et dessiner les objectifs.

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