Sociologue, directeur émérite au CNRS, mais aussi co-président du jury du Prix Le Monde de la recherche universitaire, Edgar Morin évoque pour Act-U son parcours ainsi que ses attentes pour la recherche de demain.


Comment envisagez-vous l'avenir de la recherche en France ?

Tout le monde sait que le problème de la recherche se pose en question de crédits. Mais la réponse ne saurait être uniquement quantitative.

La recherche intéressante est le fait d'une minorité qui se trouve à l'avant-garde. Nous nous devons de favoriser l'épanouissement d'esprits inventifs et imaginatifs. Souvenez-vous, la section linguistique du CNRS avait chassé Roland Barthes !

Selon moi, le problème de la recherche ne se résoudra pas uniquement grâce à des crédits. Cela dépend aussi d'une certaine ouverture d'esprit. Pour la transdisciplinarité par exemple, il existe encore une résistance exercée par des structures mentales. Les thèses sont souvent monodisciplinaires.

Poser les problèmes quantitatifs ne doit pas faire oublier ce qui relève de la qualité.

En ce sens, des initiatives privées telles le Prix Le Monde de la recherche universitaire que vous parrainez sont un plus pour l'accessibilité de la recherche au grand public…

C'est Jean-Michel Djian, alors rédacteur en chef du Monde de l'éducation qui a eu l'idée de ce prix. Nous souhaitions primer des thèses qui traitaient un problème fondamental de connaissance, vivant et actuel.

Par exemple, l'une des lauréates, Anne Perrot-Soliveres, a fait un travail formidable sur le rapport entre les infirmières de nuit et les malades. Eh bien c'est une étude qui touche vraiment à l'âme et à la chair des gens ! Telle est l'ambition de ce prix : récompenser des thèses qui servent à l'humanité.

Nous sommes assez éclectiques dans nos choix. Nous avons ainsi primé un travail sur Jim Morrison, qui mettait en avant la poésie du message du chanteur des Doors à la jeunesse. Il ne faut pas négliger le caractère esthétique important de la thèse.


Vous-même, quel a été votre parcours de chercheur?

Quand je suis entré au CNRS, il était clair que nous étions là pour faire notre thèse. Je travaillais sur l'anthropologie du cinéma. Je me disais que sur un tel sujet, personne ne pourrait m'évaluer. Je n'ai donc pas mené mes travaux à bien. Or pour diriger des travaux, il faut sa thèse ou un équivalent. La direction a considéré que mes livres "L'homme et la mort" et "le cinéma ou l'homme imaginaire" pouvaient faire office de thèse. C'est ainsi que j'ai pu diriger des recherches.

Plus tard, comme directeur de thèses, quand je trouvais que le travail était raté, j'avais toujours une grande pitié pour le postulant et je poussais toujours pour qu'il soit reçu. Mais bon, ça, c'était les premières années, c'était mon goût de la provocation. Par la suite, j'ai abandonné ce point de vue…

Ensuite, j'ai préféré me dire, "je ne défends pas des thèses que je trouve mauvaises".

Je me suis intéressé à des travaux qui chevauchaient plusieurs disciplines. Les savoirs issus des disciplines doivent se féconder les unes les autres et servir les gens.

 

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