Publié le 09 oct. 2003
Simon Larger, chargé de domaine Finances à l'AMUE, suit l'accompagnement de la LOLF pour l'Agence. Il revient sur une réforme qui modifiera en profondeur la gestion financière au sein des établissements.
Simon Larger, chargé de domaine Finances à l'AMUE, suit l'accompagnement de la LOLF pour l'Agence. Il revient sur une réforme qui modifiera en profondeur la gestion financière au sein des établissements.
Qu'est ce que la LOLF?
Il s'agit de la loi organique relative aux lois de finance du 1er août 2001. Elle a pour particularité de refonder les modalités d'adoption du budget de l'Etat. Il faut dire que celles-ci n'avaient pas changé depuis les débuts de la Vème République et du « parlementarisme rationalisé ».
L'objectif de la LOLF est de redonner le pouvoir au Parlement. En cela, elle fait écho à deux articles de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.
L'article 14, "Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée."
L'article 15 : "La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration."
Les objectifs de la LOLF répondent donc à deux impératifs propres aux sociétés démocratiques que l'on peut faire remonter à 1789, voire, pour le premier, à la Magna Carta de Jean Sans Terre en 1215 ! Il s'agit de redonner la main au pouvoir législatif en matière budgétaire et de lui permettre d'assurer un réel contrôle sur l'efficacité de l'exécutif. Il s'agit de voir comment va se traduire cette volonté de plus grande lisibilité.
En quoi consiste cette loi ?
Avant, on votait les dépenses par ministères et par titre. Elles étaient ensuite spécialisées par chapitre et assorties d'un article. Ainsi, les subventions de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur correspondent au chapitre 36-11 article 10, sans que cela ne soit complété par de quelconques objectifs. Le Parlement ne pouvait donc pas mesurer l'efficacité de la dépense par le biais de la Loi de Finances du fait de son absence de lisibilité.
Avec la LOLF, le budget serait réparti en missions qui pourraient être interministérielles. Les missions regrouperaient des programmes, ceux-ci étant ministériels. La mission correspondrait à l'unité de vote tandis que les programmes répondraient aux niveaux de spécialisation. Ces derniers seraient détaillés selon deux angles : une segmentation par destination (actions et sous-actions) et une autre par titre (fonctionnement, investissement, etc.).
La présentation de la loi de finances initiale sera accompagnée d'un Projet Annuel de Performances (PAP) et la loi de règlement d'un Rapport Annuel de Performances(RAP) que le Parlement demandera au Ministère. Grossièrement, le PAP détaille les actions qui constituent les programmes et les assortit d'objectifs et d'indicateurs de résultats.
Le RAP prendra à peu près la même structure. Il permettra de contrôler les résultats à l'aide d'indicateurs, de faire remonter le coût complet des actions au Parlement et de constater les mouvement entre les titres.
Quelles seront les conséquences ?
PAP et RAP impliquent l'un le contrôle de gestion, pour le suivi des objectifs et des indicateurs, et l'autre la comptabilité analytique, pour la reconstitution du coût des actions.
En outre, cela signifierait plus de responsabilités et une marge de manœuvre plus importante pour le responsable de programme.
Le budget serait donc perçu par ce responsable de façon plus globale. Avant, le budget de l'Etat comportait 850 chapitres, donc 850 niveaux de spécialité. Avec la LOLF, il en comporterait au plus 150, au travers des 150 programmes.
La LOLF induirait également une plus grande flexibilité du fait du caractère indicatif de la répartition par titres. Le gestionnaire de programme pourrait utiliser les crédits d'un titre pour un autre. C'est le principe de fongibilité. Avec une limite toutefois : les dépenses liées au personnel seront assorties d'un plafond d'emploi et ne sauraient être abondées de crédits venant d'un autre titre.
Quels changements la LOLF induit-elle pour les universités ?
Soyons concrets. Le ministère n'est pas le principal opérateur des politiques dont il aura la responsabilité. En revanche, il en assure le pilotage stratégique. Dès lors, le ministère devra décliner la LOLF en mettant en place un dialogue de gestion qui s'articulera comme le dispositif de la réforme budgétaire : il va donner des objectifs et en attendre des résultats afin de renseigner les RAP. Il va certainement y avoir un phénomène d'homogénéisation. Les actions demandées au Ministère seront celles que le Ministère va demander aux établissements. On retrouvera donc la LOLF dans les contrats et dans le budget global. L'université devra donc maîtriser le contrôle de gestion et la comptabilité analytique. Ces deux évolutions porteront naturellement sur l'ensemble des financements, cela est même nécessaire pour la seconde, qui est obligatoire depuis l'entrée en vigueur du décret du 14 janvier 1994.
Et, selon moi, il ne faut pas penser qu'un service public dont on contrôle l'efficience nous éloigne du service public, il s'agit simplement d'en faire un meilleur service public.
Et quelles incidences la LOLF aura-t-elle sur les actions de l'AMUE ?
Du point de vue des applications de gestion, cela implique une réflexion approfondie sur le système d'information (SI). Le SI des établissements devra permettre le croisement des référentiels des différents domaines de gestion afin de répondre aux besoins de contrôle de gestion. C'est la démarche qu'a adopté l'Agence depuis le début de l'année.
Du point de vue du département Services, ces réformes impliquent un grand renforcement des fonctions financières, qui doivent devenir un véritable service d'appui au pilotage de l'établissement. Cela nécessite une importante sensibilisation des ordonnateurs et un accompagnement fort des métiers.
Y a-t-il encore des questions en suspens concernant la LOLF ?
Il existe en effet quelques points d'achoppement, essentiellement relatifs à l'articulation de la LOLF et de la globalisation des moyens des établissements.
Tout d'abord, les établissements fonctionnent notamment avec des contrats quadriennaux, alors que la LOLF, elle, est annuelle. On peut se demander comment le ministère va articuler ces deux calendriers différents.
De même, les plafonds d'autorisation d'emploi de la LOLF sont ministériels et ne portent que sur les emplois directement rémunérés sur le budget de l'État. Si le budget global se met en place, les emplois des établissements ne figureraient pas dans ces plafonds alors qu'ils représentent un poste important de dépense que le Parlement souhaite sans doute contrôler. Dans l'articulation LOLF / Budget global, on peut donc penser que les emplois des établissements rémunérés indirectement sur le budget de l'État, voire également les autres, entreront tout de même dans les documents annexés aux Lois de Finances, le ministère créant ainsi un niveau de consolidation de l'information qui ne figurait pas dans la LOLF.
Quant à l'opérateur, jouira-t-il de la même marge de manœuvre que le responsable de programme ? Le gestionnaire de crédits « LOLF » ne gère par définition qu'un seul programme et peut donc exercer la fongibilité sur tous les crédits dont il dispose. Au contraire, les opérateurs peuvent avoir à gérer des crédits issus de plusieurs programmes non-interchangeables et ne maîtrisent pas l'intégralité des moyens de sa politique (certaines dépenses de personnel ou immobilières). Ils seraient donc comptables d'une politique dont ils ne contrôleraient pas tous les leviers.
Enfin, si le budget de l'établissement reprend les programmes et actions déterminés par la LOLF, un problème se pose. L'université n'est pas financée à 100 % par le Ministère. Elle a ses ressources propres mais aussi celles qui lui viennent des collectivités locales, des entreprises, de l'Union Européenne… Comment dès lors évaluer les résultats d'une politique au regard de son financement « État » alors même que ces résultats peuvent provenir d' autres origines ?
L'AEF a annoncé que le Ministère de l'Education Nationale propose une architecture fondée sur une mission interministérielle "formations supérieures et recherche" qui distingue les formations supérieures et la recherche universitaire en deux programmes. Que penser de ce projet ?
Avant cette annonce de l'AEF, l'hypothèse de travail était que les formations et la recherche universitaires ne feraient l'objet que d'un seul et même programme donc un seul niveau de spécialisation pour Enseignement Supérieur et Recherche en Université.
Si on scinde le programme en deux, on ne pourra utiliser les crédits de l'un pour l'autre puisqu'il ne saurait y avoir fongibilité inter-programme. Cela limite donc potentiellement les marges de manœuvre pour les universités dans le cadre d'un budget qui n'aurait de « global » que le nom.
Existe-t-il un calendrier pour la mise en place de la LOLF ?
La LOLF entrerait en vigueur en 2005 pour la préparation du projet de loi des finances 2006.
Quant à la première loi de règlement, avec un Rapport Annuel de Performances, elle doit être déposée avant le mois de juin 2007. Ce n'est donc qu'à ce moment que l'on sera à même de juger de l'efficacité du dispositif.
Pour le budget global, la disposition actuelle de l'avant- projet prévoit une entrée en vigueur progressive pouvant s'étaler jusqu'au 1er janvier 2009 au plus tard.
Mais comment le ministère va-t-il faire entre 2006 et 2009 si certains établissements ne se sentent pas obligés de fournir des résultats selon les termes de l'article 16.II de la future Loi ?
Peut-être faudrait-il aligner l'entrée en vigueur de la LOLF et du budget global.
Cette éventualité pose néanmoins un autre problème : tous les établissements seront-ils prêts au 1er janvier 2006 ?
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