Publié le 04 juin 2003
Saeed Paivandi, maître de conférence en Sciences de l'éducation à l'université Paris-VIII (Saint-Denis) est rédacteur avec Alain Coulon d'un "état des savoirs" sur les étudiants étrangers en France.
Saeed Paivandi, maître de conférence en Sciences de l'éducation à l'université Paris-VIII (Saint-Denis) est rédacteur avec Alain Coulon d'un "état des savoirs" sur les étudiants étrangers en France.
Ce document sert de préambule à une enquête sur le sujet que mèneront les deux chercheurs durant l'année 2003-2004 à la demande de l'OVE (Observatoire de la Vie Etudiante). Une occasion de faire le point sur la situation des étudiants étrangers en France.
A lire votre "état des savoirs", il n'y a pas de quoi être optimiste…
Malgré les efforts fournis depuis cinq ans, il est clair que la France doit un peu revoir sa copie en matière d'accueil d'étudiants étrangers.
Les choses n'ont pas beaucoup évolué : les bénéficiaires d'échanges sont favorisés. Mais ceux qui arrivent de façon individuelle ne profitent pas de structures d'accueil. En France, contrairement aux Etats-Unis, on traite de la même façon étudiants "nationaux" et étrangers. Mais il est vrai que la plupart des universités ont trop peu de moyens pour faire autrement. Elles ne peuvent pas instaurer des dispositifs qui soutiendraient et orienteraient les nouveaux arrivants.
Toutefois, depuis quelques années, notamment sous l'impulsion de rapports, la situation s'améliore. Les ambassades sont moins rigides quant à la délivrance de visas et la police donne plus facilement des permis de travail pour permettre aux étudiants de financer leurs études.
Quel est le profil de "l'étudiant étranger"?
Il y en a plusieurs en fait.
Est considéré comme tel celui qui réside depuis plusieurs années sur le territoire, tout comme celui, enfant de personnel d'ambassade, par exemple, qui vient y séjourner quelques années. Mais on a surtout les étudiants qui bénéficient de programmes type Erasmus et aussi ceux qui quittent leurs pays pour venir étudier en France.
Pour l'étude, nous proposerons un certain nombre de variables pour distinguer les différentes difficultés auxquelles ces catégories doivent faire face. Et la réalité est souvent plus complexe que ce que l'on veut bien croire.
Par exemple, nombre d'élèves, africains ou maghrébins, ont grâce aux bourses de bonnes conditions de vie. Tout comme ceux qui profitent d'échanges bilatéraux ou multilatéraux (Chine, Brésil, Corée du Sud…)
Les plus isolés restent ceux qui effectuent une démarche individuelle parce qu'ils doivent travailler pour payer leurs études. Mais cela ne veut pas dire qu'ils sont "inintéressants" pour la France: ils sont souvent très brillants et on en retrouve plus tard dans les laboratoires de recherche.
De même, tous ces étudiants ne viennent pas chercher les mêmes choses en France. Les Européens et les Américains du Nord se dirigeront plus naturellement vers les lettres ou les sciences humaines.
Les Maghrébins préféreront s'orienter vers les matières scientifiques tandis que l'inclination des Africains les portent plus vers l'économie, la gestion ou les matières juridiques.
Comment va s'organiser le déroulement de l'enquête?
Tout n'est pas encore arrêté. La commande venant de l'OVE, c'est elle qui tranchera sur les modalités.
Nous nous baserons toutefois sur l'enquête récurrente qu'elle est en train de mener sur les conditions de vie des étudiants. C'est un questionnaire de 24 pages, comportant des questions sur la vie étudiante: emploi du temps, loisir, sociabilité, logement, travail…
Nous nous en servirons comme base mais en l'appliquant uniquement aux étudiants étrangers.
Quelles universités avez-vous choisi comme "terrain d'exploration"?
Là encore, les choix ne sont pas totalement définis. Nous les sélectionnerons en fonction de critères.
Tout d'abord, les catégories d'étudiants. Ainsi, l'université de Paris-VIII compte-t-elle en ses murs un grand nombre d'Africains et de Maghrébins venus dans le cadre d'un projet individuel. Elle rassemble également des étudiants chinois bénéficiant d'échanges bilatéraux. Celles de Lille, également, accueillent beaucoup d'étudiants d'Afrique du Nord.
Le second critère retenu est celui des disciplines puisque, comme je l'expliquais, selon leurs origines, les étudiants se répartissent dans différentes UFR.
Le troisième critère est celui du cycle d'études. Par exemple, Paris IV compte le plus grand nombre d'étudiants étrangers en IIIè cycle.
Vous pencherez-vous sur le rôle d'Edufrance et le rapport qu'elle entretient avec cette population?
L'enquête devrait nous permettre de mesurer les changements intervenus depuis quelques années. Nous nous demanderons donc si les étudiants ont été bien accueillis, bien informés. A ce propos, il convient de ne pas négliger les réseaux de compatriotes, véritables sources d'informations contextualisées.
En fait, je présuppose qu'Edufrance a surtout profité à une catégorie d'étudiants familiarisée avec les nouvelles technologies. Les plus "branchés" sont les mieux au courant. Edufrance étant une institution récente, il faudra se demander si la "clientèle" a répondu présente. De toutes façons, nous nous attacherons à décoder l'ensemble de la démarche de l'étudiant étranger, jusqu'à son arrivée dans une université française.
Nous interrogerons nécessairement d'autres services, même si c'est de façon indirecte, comme le CNOUS. Financement et logement sont les deux questions essentielles de cette catégorie d'étudiants. Trouver une chambre, surtout dans les grandes villes, relève du parcours du combattant pour eux.
Vous attendez-vous à un portrait peu amène de l'université?
Il ne s'agit pas de mettre exclusivement l'accent sur les points négatifs, ce qui, malheureusement, est souvent le cas.
Nous voulons aussi mettre en avant dans cette enquête tous ce que ces jeunes apprennent en France, comme la distance critique vis-à-vis de leurs convictions, des représentations. Des études antérieures ont ainsi montré que les filles asiatiques découvraient par leur séjour en France une certaine idée de l'émancipation féminine. On sait aussi que le contact des étudiants étrangers avec la société française est plus important qu'en Allemagne, par exemple.
Le processus d'acculturation fonctionne. Il faut que nous fassions émerger cette particularité dans notre enquête.
Télécharger le rapport
"Les étudiants étrangers en France: l'état des savoirs", rapport de Saeed Paivandi et Alain Coulon
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