Publié le 28 oct. 2003
Act-U a rencontré Richard Descoings, le directeur de Sciences-Po Paris pour faire le point sur les dossiers de la rentrée. Au programme : la réforme des droits de scolarité, les conventions ZEP et la création d'un master de journalisme pour la rentrée prochaine.
Act-U a rencontré Richard Descoings, le directeur de Sciences-Po Paris pour faire le point sur les dossiers de la rentrée. Au programme : la réforme des droits de scolarité, les conventions ZEP et la création d'un master de journalisme pour la rentrée prochaine.
Lors de votre conférence de rentrée, vous disiez vous attendre à un automne un peu tendu et à une possible mobilisation des étudiants contre votre projet de réforme des droits de scolarité. Or l'IEP a l'air plutôt calme…
Effectivement, il ne s'est rien passé en terme de mobilisation étudiante. Il n'y a pas eu d'AG. J'ai abordé le sujet de la réforme lors des classiques réunions de rentrée. Les questions qui m'ont été posées étaient plutôt d'ordre technique.
L'UNI (Union Nationale Inter-universitaire), aujourd'hui, aurait souhaité que l'on fasse mieux valoir le financement par les entreprises.
Quant à l'UNEF (Union Nationale des Étudiants de France), j'ai moins de contacts officiels avec eux. Néanmoins, dans une interview à l'AEF, Yassir Fichtali, son président , a déclaré qu'il n'y avait pas matière à se mobiliser.
Je suppose donc que s'il n'y a pas de mobilisation, c'est que notre réforme n'est pas si injuste que ça !
Mais bien sûr, on ne peut pas demander à ceux qui vont payer plus d'applaudir des deux mains.
Mais ne pensez-vous pas que la question de la démocratisation de l'IEP se joue avant même le passage du concours ? Beaucoup de vos élèves suivent des prépas pour maximiser leurs chances d'avoir Sciences-Po. Or le prix élevé de ces préparations peut être un facteur discriminant.
Il faut tout d'abord distinguer les prépas annuelles des prépas d'été. Nous recrutons de plus en plus à un niveau Bac 0. Les élèves suivent donc de moins en moins de préparation sur l'année puisque leur objectif premier reste le bac.
Restent les prépas d'été. Effectivement, elles constituent une réalité dans la réussite des élèves.
Mais nous ne pouvons pas en assurer nous mêmes. Imaginez si nous devions recruter en plus parmi les candidats au concours !
Cela ne signifie pas que nous ne nous préoccupons pas de la démocratisation de Sciences Po ! Cette année, 12 % des élèves de première année proviennent de la procédure ZEP (Zone d'Éducation Prioritaire). De plus, nous diffusons dans les lycées une brochure "Sciences-Po, pourquoi pas vous ?"
Nous avons demandé au CEVIPOF (Centre d'Études de la Vie Politique Française) de mener une enquête sur l'entrée 2002 en premier cycle. Cela nous a permis de recueillir quelques données intéressantes.
Tout d'abord, l'effet genre a autant d'impact que l'effet CSP sur l'entrée à Sciences Po. C'est-à-dire que nous nous sommes aperçus que nous avions plus de filles candidates mais plus de candidats admis. Dans l'état actuel des choses, nous ne nous l'expliquons pas.
Deuxième élément, l'épreuve la plus discriminatoire au concours est l'histoire. C'est assez étonnant car il s'agit d'une épreuve d'après programme, contrairement à la culture générale. Eh bien pourtant, c'est en histoire que l'effet genre et CSP est le plus élevé.
Pour résumer rapidement, le profil du candidat qui a le plus de chance de réussir le concours correspond au garçon, parisien CSP+. A contrario, la fille francilienne CSP- aurait moins d'atouts en main.
Bien sûr, le problème de la démocratisation se pose largement en amont de Sciences Po, mais nous essayons de faire bouger les choses à notre niveau.
Vous projetez d'ouvrir une maison de Sciences Po à la Cité Universitaire de Paris. Or, selon nos sources, vous n'êtes pas prioritaires, loin de là…
Effectivement, la Russie veut aussi avoir sa maison, tout comme l'Algérie.
Mais j'ai rencontré Claude Ronceray, le délégué général de la cité internationale universitaire qui m'a déjà montré un emplacement. Quant à Bertrand Delanoë avec qui je me suis également entretenu, il s'est dit favorable à notre projet. Le maire de Paris m'a également conseillé de prendre contact avec le Crédit Municipal au sujet du système de cautionnement que nous envisageons de créer.
L'UNI vous a traîné en justice au sujet des conventions ZEP. La décision de la Cour Administrative d'Appel de Paris rendra sa décision courant novembre. Entre temps, le commissaire du gouvernement a préconisé l'annulation du jugement de juillet 2002 du Tribunal Administratif (L'UNI avait été déboutée) et des résolutions mettant en place ces conventions. Comment comptez-vous argumenter ?
Le commissaire du gouvernement semble ne rien avoir à nous reprocher sur le principe des Conventions Education Prioritaire (CEP). Il reconnaît qu'elles s'appuient sur des critères objectifs. Il existe néanmoins des sujets de fâcherie ayant trait aux modalités. L'un concerne la sélection des établissements. Nous ne disons pas explicitement que le secondaire privé est aussi invité à passer ces conventions. Pour ma part, l'idée n'est pas exclue mais c'est vrai qu'en 2001, nous n'y avions pas pensé.
On nous reproche également de ne pas dire explicitement quels sont les critères d'échec et de réussite de cette expérimentation. Pour nous, c'est simple. Ce qui prime reste la réussite des études de nos étudiants et leur bonne insertion professionnelle.
Autre sujet de discorde : les conventions sont passées pour 5 ans, renouvelables une fois. Le commissaire considère que c'est trop long. Mais nous entamons le travail dès l'année de seconde, soit trois ans de lycée. Ensuite, nous avons les cinq années de scolarité à Sciences-Po. Cela fait déjà 8 ans ! 10 ans, ce n'est donc pas de trop pour atteindre une certaine vitesse de croisière.
On nous dit aussi que Sciences Po aurait du passer des conventions avec tous les établissements ZEP. Là, je ne suis pas d'accord. J'appartiens à une autre école juridique que l'école universaliste. Celle qui pense qu'il faut innover, expérimenter, évaluer et puis, seulement après, étendre. Je suis totalement convaincu que la progressivité est fondamentale dans notre démarche.
Si la cour administrative d'appel dit que nous devons passer une convention avec tous les établissements ZEP, j'irai en cassation pour faire reconnaître ce droit à l'expérimentation.
Si la réforme passe par l'universalisation, alors nous ne sommes pas prêts de réformer l'État….
Vous avez décidé de créer pour la rentrée 2004 un Master de Journalisme. Qu'apporte Sciences-Po de nouveau par rapport aux autres écoles existantes ?
La première chose, c'est un ancrage universitaire. Les "grandes écoles" de journalisme en Europe sont dans des universités.
Notre deuxième originalité, c'est l'intégration internationale. Dans les écoles de journalisme françaises, il y a assez peu d'étudiants étrangers. Et je ne suis pas sûr que dans les formations, on prenne un sujet d'actualité et on analyse comment il a été traité ailleurs, par la BBC ou CNN par exemple… L'école dont je rêve comprendra autant d'étudiants français qu'étrangers.
Je discutais avec les chefs de bureau du Washington Post et du Herald Tribune. Ils seraient ravis de recruter des jeunes qui n'ont pas été maintenus dans un bain strictement franco-français. L'ouverture internationale devient donc indispensable. D'autant que le marché français dans ce secteur est assez limité.
La richesse de cette formation réside aussi dans la diversité de son recrutement. Elle s'adresse à trois types de profils. Nous proposons non seulement une voie "classique", mais aussi un apprentissage et une formation continue diplômante. Cela va permettre à des gens avec une certaine expérience de compléter leur formation, de propulser leur carrière. Nous aurons ainsi des étudiants très différents.
Comment a réagi le CFJ, avec qui vous avez développé une convention, à l'annonce de la création de ce Master ?
Notre convention avec le CFJ n'a pas vocation à perdurer.
Vous avez développé le système 3-5-8 avant les universités puisque vous l'avez mis en place dès l'année 2000. Quelles ont été les difficultés de mise en œuvre ?
Des difficultés classiques. Les enseignants n'étaient pas tous favorables à la question de la semestrialisation et des crédits. Ce sont des difficultés qui semblent importantes sur le moment, d'autant plus que nos professeurs ont de fortes personnalités mais je peux vous affirmer que, trois ans après, tout est tranquille.
La différence entre Sciences-Po et les universités, c'est que nous ne mettons pas en place de session de rattrapage en septembre. Or, celle-ci prend beaucoup de temps à organiser et mobilise beaucoup d'énergie.
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