Lettre n°13

Pour le deuxième budget en mode LOLF, le gouvernement – plus exactement le responsable de programme – rend sa copie sur les programmes 150 (Formations supérieures et recherche universitaire) et 231 (Vie Etudiante) de la mission interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur.

Nous vous proposons donc d’étudier ce PAP, en particulier le programme 150, bien que sa rédaction ne sera définitive qu’à compter de l’adoption de la Loi de finances : quelles sont les nouveautés introduites dans ce nouvel opus de la démarche de performance de l’Etat ?
La première, qui peut sembler anecdotique, est la mention dudit « responsable de programme », nommément désigné en première page du PAP. Elément essentiel pourtant, dans l’information parlementaire : l’imputabilité directe. Tout ce qui suit est énoncé, mais aussi conduit sous sa responsabilité.
Toutefois, cette « responsabilité de programme », du fait de l’autonomie des établissements qui en assurent la réalisation, ne pouvait que renvoyer à leurs responsabilités singulières. Ainsi, l’autre nouveauté que constitue la « Présentation stratégique du PAP » met bien en exergue le fait que : « la politique conduite [sur ce programme] vise globalement à responsabiliser les établissements (…) pour l’exercice le plus efficace de leurs missions ».
Enfin, relevons qu’un élément fondamental est intervenu dans l’intervalle entre les PAP 2006 et 2007, à savoir la Loi de programme n°2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche. Or, cette réforme s’instille dans de nombreux versants du dernier PAP pour des motifs que l’on peut aisément comprendre : l’efficacité devrait être impactée par les PRES ou les RTRA, l’efficience pourra être améliorée par les EPCS, mais surtout l’évaluation est revue en profondeur avec la création de l’AERES. Nous y reviendrons dans les quelques mots de conclusion.

Ces points introductifs exposés, nous pouvons passer au détail de ce qui semble notoire dans les évolutions apportées tant à la partie « Objectifs et indicateurs de performance » qu’aux parties relatives à la Justification au premier euro (JPE), aux opérateurs et à l’analyse des coûts.

Objectifs et indicateurs : la performance de l’Etat dépend de la celle des opérateurs

Sur le sujet de la performance, avant d’aborder le contenu de la partie « Objectifs et indicateurs de performance » proprement-dite, il nous a semblé nécessaire d’amorcer la réflexion par une citation des premiers mots de la partie « Opérateurs » (p.94), afin que chacun saisisse, en son for intérieur, l’importance du développement qui suivra.

Reprenons une partie de ce bref exposé :
« Le ministère a choisi de faire de la politique contractuelle l’instrument principal de la mise en œuvre de la LOLF dans les établissements d’enseignement supérieur. (…)
La réforme en cours du mode d’allocation des moyens, en renforçant la part des crédits contractuels attribués à partir d’une évaluation qualitative des résultats obtenus, par rapport aux crédits attribués sur des critères purement quantitatifs, va permettre de soutenir davantage les établissements qui se seront montrés plus efficaces et efficients par rapport aux objectifs fixés dans les contrats.
C’est donc sur des bases profondément renouvelées que seront conduites les prochaines campagnes contractuelles : il s’agit en effet de redonner, dans le cadre de la LOLF, tout son sens à l’instrument contractuel et d’en faire :
- un contrat d’objectifs au plein sens de la LOLF, outil de mesure de la performance qui vienne enrichir le dialogue de gestion annuelle et permette de replacer l’établissement et son évolution dans son contexte socio-économique, avec ses atouts et ses contraintes ;
- un véritable instrument de pilotage et de dialogue, sur lequel le ministère s’appuiera pour mettre en œuvre les grandes orientations de la politique nationale en matière de recherche et d’enseignement supérieur ;
- un outil de pilotage interne, qui permette aux présidents de renforcer la cohésion, et donc l’efficacité et le rayonnement de leur établissement.
 »

Nous percevons ainsi, pour la première fois dépeinte dans un document de ce niveau (1), la présentation globale de la méthode de déclinaison de la LOLF retenue par le MENESR afin que la démarche de performance atteigne le cœur des établissements dont elle dépend : la LOLF des universités, c’est le, et ce contrat prend sa source dans les PAP !

Il apparaît donc essentiel que les établissements s’imprègnent du contenu de la partie « Performance », des objectifs, indicateurs, résultats et cibles qui y figurent. Et cela à la fois dans le but de se situer par rapport aux résultats nationaux mais aussi pour mener une réflexion sur ses propres objectifs, en fonction de son environnement, que ce soit en interne ou dans le dialogue contractuel. Ainsi, l’observation de l’indicateur 5.2 du programme 150 nous apprend que la part nationale des étudiants étrangers inscrits en master était de 16.5% en 2005 et que la cible en 2010 sur laquelle s'engage le Ministère est de 20%, ce qui donne une indication importante aux établissements pour la fixation de leurs objectifs.

D’une manière générale, commençons par relever que les indicateurs PAP sont désormais numérotés et tous « construits » (sauf l’indicateur n°12.4 « Taux d’occupation des locaux » qui demeure en cours de définition et n’est prévu que pour PLF 2008).

De façon plus détaillée, les lecteurs avertis noteront que des indicateurs ont été créés, affinés ou déplacés et que les cibles 2010 ont été parfois ajustées en fonction des réalisations obtenues.
Ainsi, pour le programme 150, trois nouveaux indicateurs sont insérés: 1.3 "pourcentage de sortants diplômés selon le niveau LMD", 2.4 "taux de réussite en STS et DUT selon le bac d'origine" et 2.5 "Pourcentage des doctorants allocataires soutenant leur thèse en trois ans et plus". De même, il nous faut mentionner un nouvel indicateur 3.1 du programme 231 : « Nombre d’universités sans fumée et sans tabac ». Il est probable que la circulaire de contractualisation de la vague C les intègrera et que tous les établissements auront à s’y intéresser de près dès qu’ils seront précisément qualifiés. Notons à ce propos l’attente dans laquelle sont les établissements de la vague B vis-à-vis des tableaux d’indicateurs contractuels 2008-2011, qui ne sont toujours pas en ligne.

Par ailleurs, l’indicateur 1.2 a été affiné par l’ajout du pourcentage de docteurs allocataires insérés professionnellement trois ans après leur thèses. Il n’est pas anodin de constater en outre que l’indicateur "pourcentage d'établissements disposant d'un dispositif d'auto-évaluation", précédemment rattaché à l’objectif « Répondre aux besoins de qualification supérieure » l’est désormais à l'objectif "optimiser la gestion des établissements de l'enseignement supérieur" : l’indicateur « auto-évaluation » ne répond plus seulement à une politique de formation mais à une problématique générale de gestion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

Enfin, cette partie « Performance » annonce la disparition de l’action 16 « Dotations globalisées » (p.41) comportant les financements qui alimentent les DGF des opérateurs, déjà passée de 7.53% à 3.7% du montant du programme suite aux demandes du CIAP et des commissions des assemblées. Or, cela nous rappelle que le PAP n’est pas un exposé sur la seule performance. Les autres volets, plus techniques et financiers, méritent également qu’on s’y attarde.

JPE , Opérateurs et analyse des coûts : les circuits d’information améliorent la documentation parlementaire

Les établissements ont eu à renseigner, durant cette année 2006, un nombre important d’enquêtes plus ou moins nouvelles ou rénovées, sans systématiquement en saisir la portée, voire l’utilité. Or, à l’évidence, la lecture des volets susmentionnés du PAP permet de mieux comprendre à quoi ont servi ces enquêtes :

  • enquête sur les personnels Etat pour alimenter la JPE du titre II et la répartition des ETPT et des coûts de personnel par action,
  • enquête sur les personnels rémunérés par l’établissement pour alimenter la JPE des subventions et la consolidation des emplois du volet « opérateurs »
  • enquête « surfaces » pour alimenter notamment la JPE de l’action 14
  • enquête sur la répartition des recettes et des dépenses dans le budget des établissements pour alimenter les présentations financières du volet « opérateurs »

A propos de ce dernier point, il est intéressant de s’attarder à la répartition des dépenses par destination pour chaque catégorie d’opérateur principal, notamment en page 98 pour les universités. Il s’agit d’une présentation croisant nature et destination des dépenses au sein du budget des universités. Ce tableau remplace la simple présentation par nature (fonctionnement / investissement / personnel) du PAP 2006. Cette information est riche d’enseignement car, si l’on savait déjà comment l’Etat répartissait (de manière indicative) ses contributions entre ces différentes actions, on ne connaissait pas encore la façon dont les établissements redéployaient librement ces ressources. Or c’était bien là l’information essentielle pour le Parlement : comment les instances dirigeantes des opérateurs affectent les ressources ?
Cependant, on peut noter que, d’une part, le taux de réponse à l’enquête des universités, des IUFM ou des IEP n’est pas mentionné (contrairement à celui des ENS, 80%, ou des Ecoles d’ingénieurs, 99%) et que, d’autre part, il apparaît des aberrations dans certains tableaux (présence de montants dans une colonne « Dotations globalisées aux établissements » à l’intérieur des dépenses de l’opérateur) et qu’enfin, la répartition par nature semble fondée sur les comptes financiers 2004. Il semble donc que cette information soit perfectible, sachant l’intérêt qu’elle revêt. A ce propos, l’annonce faite dans le volet « opérateur » d’une automatisation de remontées financières semble de nature à répondre partiellement au problème.

« En outre, afin d’améliorer le pilotage financier au regard de la LOLF, une réforme du suivi des comptes financiers des établissements d’enseignement supérieur est actuellement menée et devra aboutir à la mise en place d’une application rénovée des comptes financiers ; cet outil devra permettre d’obtenir une vision consolidée, sur le plan national, de l’utilisation des moyens financiers par les établissements sur l’année n (et non pas en n-2 comme actuellement). »

De toute évidence, ce type d’évolution est à prévoir, et pas seulement pour les données financières : le responsable de programme devra pouvoir disposer d’informations nombreuses et rapides sur des points variés et les opérateurs ne pourront pas sans cesse répondre à des enquêtes ponctuelles. Il importera donc, dans l’intérêt de chacun, que l’Etat cherche à stabiliser et, ensuite seulement, automatiser les requêtes lui permettant de renseigner le parlement à partir des systèmes informatiques des établissements. Et il appartiendra évidemment à ces derniers de veiller à la qualité des informations qu’ils auront ainsi mis à la disposition de la Nation. Enfin, sur la base des besoins convergents de l’un et des autres, les maîtres d’ouvrage des outils informatiques devront apporter leurs pierres à cet édifice.

En conclusion, et pour boucler cet article par une tangente, traversant les thèmes de l’évaluation de la performance, des financements et des relations entre le responsable de programme et les opérateurs, mentionnons l’article 8 de la Loi de programme pour la recherche.
Passé relativement inaperçu, il apporte pourtant un élément législatif essentiel au mécanisme de déclinaison de la LOLF auprès des opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche en complétant ainsi l’article L. 711-1 du Code de l’éducation : « L'État tient compte des résultats de l'évaluation réalisée par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (…) pour déterminer les engagements financiers qu'il prend envers les établissements dans le cadre des contrats pluriannuels susmentionnés. » Sachant que ladite Agence, prévu L. 114-3-1, est en charge de l’évaluation de « l’ensemble des activités des établissements », le lien entre performance globale et financement contractuel de l’Etat, qui n’était que logique jusque là, devient législatif !

Notes :

(1) L’essence de ce dispositif a déjà été exposée dans les notes et circulaires relatives à la contractualisation des vagues A et B, mais jamais dans un document de valeur quasi-législative.

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