Le décret n° 2008-326 du 7 avril 2008 relatif aux règles générales de fonctionnement des fondations universitaires est paru au Journal officiel mardi 8 avril 2008. L’occasion de proposer une analyse du degré d’autonomie de la fondation universitaire.

Il importe de rappeler que la Loi du 10 août 2007 a introduit par son article 28 deux nouveaux types de fondations: les fondations universitaires et les fondations partenariales, respectivement aux articles L. 719-12 et 719-13 du Code de l’Education.La principale différence entre elles : Les fondations partenariales, créées par des EPSCP, sont dotées de la personnalité morale alors que les fondations universitaires n’en sont pas dotées.
Il peut sembler y avoir dans l’absence de personnalité morale de ces dernières une sorte de paradoxe. En effet, la plupart du temps, les fondations ne peuvent jouir des attributs qui leurs sont propres (avantages fiscaux, etc…) que dès lors qu’elles ont acquises la personnalité juridique – comme c’est le cas des fondations reconnues d’utilité publique de la Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat. Le paradoxe n’est qu’apparent, dans la mesure où la personnalité morale de ces fondations existe au travers des établissements qui les abritent.

Le législateur a jugé bon de permettre la création de fondations internes, afin d’attirer au mieux les libéralités ! Elles visent à répondre aux interrogations des personnes physiques ou morales qui sont prêtes a effectuer un don au bénéfice de l’université : comment assurer que les fonds ne seront pas « perdus » dans la masse du budget des universités ? Comment assurer que le don sera utilisé conformément à son objet ? La solution consiste à doter la fondation de quelques attributs d’une autonomie interne. A ce titre, l’article L. 719-12 du Code de l’Education prévoit notamment que les FU « disposent de l’autonomie financière ». Pour autant, n’étant pas distincte juridiquement de l’université, il était également indispensable de garantir un contrôle des autorités de l’université par des dispositions confortant l’intégration de la fondation dans l’établissement. Voyons ce qu’il est de cet équilibre entre autonomie et contrôle, en passant en revue les différents domaines de gestion de la FU, tels qu’ils résultent du récent décret du 7 avril 2008 et d’autres normes dans lesquels il trouve à s’insérer.

Cependant, avant d’analyser les dispositions mêmes du décret, il convient de rappeler que l’article L719-12 du Code de l’éducation précise l’objet des fondations universitaires, qui ne peuvent être créées que « pour la réalisation d'une ou plusieurs œuvres ou activités d'intérêt général et à but non lucratif conformes aux missions du service public de l'enseignement supérieur visées à l'article L. 123-3 ».

Le pilotage de la FU

  • Le conseil de gestion (CG) est, avec son président, l’instance de pilotage de la FU. Il comprend entre 12 et 18 membres, et se compose de trois collèges qui traduisent le contrôle de l’université sur la FU (collège des représentants de l'établissement), le droit de regard des financeurs (collège des fondateurs, qui ne peut excéder le 1/3 des membres et collège éventuel des donateurs ultérieurs) et l’équilibre entre les deux (collège des personnalités qualifiées, dont les modalités de désignation seront établies par les statuts). Chacun l’aura compris, ce sont les statuts (majorité de membres issus du 1er collège, modalités de désignation des membres du 3ème collège) qui détermineront le degré d’intégration de la FU.
  • Les statuts des fondations doivent être approuvés par le conseil d’administration de l’établissement qui les abrite. Il appartient donc bien à l’université de déterminer le degré de contrôle qu’elle souhaite exercer sur la fondation.
  • Le président est désigné par le conseil de gestion. Il est donc choisi en fonction des équilibres organisés au CG. Il assure la représentation de la fondation et exerce les compétences qui lui sont déléguées par le CG.
  • Enfin, le recteur d'académie est également un facteur d’équilibre puisqu’il assure le rôle de commissaire du gouvernement de la fondation et participe à ce titre, avec voix consultative, aux réunions du CG.

La gestion financière de la FU

  • La FU dispose  d’un état prévisionnel des recettes et des dépenses. Cet EPRD, présenté sous la forme de trois dotations (dépenses de personnel, de fonctionnement, d’investissement), comme le budget principal des universités dans le cadre des compétences élargies, à la différence que ces dotations sont évaluatives. Ainsi, les virements entre dotations de l’EPRD de la fondation ne donneront pas lieu à DBM sous réserve de conditions d’équilibre. Cependant, l’on mesure immédiatement la difficulté qui peut résulter du fait que l’équilibre du budget de l’établissement résulte de celui des budgets qui le compose. L’université dispose donc d’un « droit de veto » sur l’EPRD qui doit être transmis au chef de l'établissement et soumis, pour approbation, au CA (art 7 du décret FU). De plus, le projet de décret financier - qui régira la gestion budgétaire et comptable des EPSCP qui passeront aux Responsabilités et Compétences Elargies (RCE) - fait la lumière sur les conditions de l’équilibre et de l’exécution de l’EPRD de la FU.
  • Au sujet de l’équilibre de l’EPRD des fondations d’universités passées aux RCE, l’article 9 du projet de décret indique qu’il doit être voté et exécuté en équilibre à la fin de chaque section, de fonctionnement et d’investissement. Cependant, l’art 11 du décret FU précise que cet équilibre peut être atteint au moyen de l’utilisation de la fraction annuelle consomptible de la dotation de la Fondation. En outre, l’article 39 du projet de décret financier mentionne que, dès lors que l’équilibre de l’EPRD semble substantiellement affecté en cours d’année, le président de l’université demande au CG de la FU de procéder aux modifications nécessaires. L’ensemble de ces dispositions permet de poser qu’en la matière, l’autonomie interne de la FU demeure sous strict contrôle de l’université tout en respectant l’intention et l’information des mécènes. Par ailleurs, les dispositions statutaires de la FU pourront préciser le cadre de sa gestion.
  • Le président de la fondation peut recevoir délégation de signature du chef d'établissement (art 3 du décret FU). Mais au-delà de ce qui lui est délégué, il est précisé qu’il est « ordonnateur secondaire des recettes et des dépenses » de la fondation (art 12 du décret FU). Rappelons que la qualité d’ordonnateur n’emporte pas, en droit, le pouvoir de conclure un marché public (même de faible montant) ou un contrat de recherche car l’engagement juridique de l’établissement est réservé au représentant légal de l’université ou à ses délégués au sens de l’article 3 précité). Etre ordonnateur, c’est simplement avoir compétence pour réaliser l’engagement financier (réserver les crédits) la liquidation, le mandatement des dépenses et l’émission des titres de recettes. Ainsi, pour être réellement autonome dans ses dépenses et ses recettes, le président de la FU ne peut se passer d’une délégation de signature - nominative - du chef d’établissement. Là encore, on peut avancer que l’université conserve le contrôle de son « émanation » interne.
  • Toujours en matière budgétaire, les règles en matière de remboursement des frais de mission sont assouplies puisque les statuts de la fondation « déterminent les conditions de remboursement des frais de mission et des autres dépenses exposées par les membres du conseil et par toute autre personne à l'occasion de sa collaboration aux activités de la fondation » (art 4 du décret FU). Cette disposition semble aller plus loin que le dispositif - déjà dérogatoire - prévu par l’art. 7 du décret n°2006-781 du 3 juillet 2006, lequel n’autorisait de dérogations que « lorsque l'intérêt du service l'exige et pour tenir compte de situations particulières » et seulement « pour une durée limitée ».
  • Enfin, le nouveau décret pose les termes de l’accueil et de la gestion des libéralités. Il convient de distinguer, d’une part, la gestion de la dotation initiale des fondateurs et, d’autre part, la gestion et l’acceptation de dons et legs des donateurs.

La dotation initiale  ou « dotation fondatrice ». Cette dotation fondatrice présente, dans les FU, une particularité au regard des fondations préexistantes : elle est partiellement consomptible. D’une manière générale, les dotations fondatrices ne peuvent  être « dépensées » par lesdites fondations ; ces apports, en biens, droits ou ressources, doivent servir l’objet de la fondation sans que cette dernière ne puisse la consommer. Dans une FU au contraire, la dotation fondatrice est consomptible, sauf pour la part de la dotation apportée par des personnes publiques, qui ne l’est que dans la limite maximale de 50% (art 9 in fine du décret FU). Ajoutons à ce sujet que les personnes publiques ne peuvent apporter plus de 50 % du montant de la dotation fondatrice. En outre, la consommation annuelle de la fraction consomptible ne peut excéder 20% du montant de la dotation initiale  (article 9.2° du décret FU). Cependant, si les statuts en décident, la dotation peut ne pas être consomptible (article 9.2° visé supra) Au préalable, rappelons que le don n’est pas un acte unilatéral. En droit, il est - au moins - bilatéral car il résulte tant de la volonté du donateur que de l’acceptation du preneur : personne n’est jamais tenu d’accepter un don, surtout lorsque celui-ci peut générer des dépenses futures (dons assortis de charges). Ainsi, le décret FU prévoit, en son article 6.4° que le CG délibère sur « l’acceptation des dons et des legs et les charges afférentes ainsi que les conditions générales de cette acceptation et, notamment, le montant minimal au-dessus duquel ces dons et legs peuvent être assortis de charges ». Ainsi, le CG doit se prononcer pour indiquer qu’il refuserait des dons jugés trop faibles à l’aune des charges qu’ils génèrent. Accessoirement, il peut être utile de préciser que le don, même assorti de charges, ne doit pas faire naître d’obligation du preneur envers le donateur (ainsi, un don en contrepartie duquel le donateur obtient la réalisation d’une prestation individualisée par le preneur doit être qualifié de vente).Enfin, il importe de préciser que les dons des établissements publics sont autorisés, mais seulement à la condition « qu’ils proviennent de leurs ressources propres ».

La comptabilité de la FU

  • Bien que les recettes et dépenses soient assurées par le comptable public, les FU suivent les règles comptables des fondations (4ème alinéa de l’art 719-12 Code de l’éducation et art 12 du décret FU). Il en résulte une apparente contradiction le comptable public se devant de respecter les règles de la comptabilité publique alors que les fondations sont d’ordinaire gérées selon les règles comptables privées. C’est pour cette raison que le décret indique que les statuts de la FU peuvent déroger au décret du 29 décembre 1962.
  • Par ailleurs, il est indiqué que les comptes de la FU doivent faire l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes, lequel peut être celui de l’université.
  • Enfin, les statuts de la FU peuvent déterminer les conditions de création et les modalités de fonctionnement de ses propres régies de recettes et d’avances.

La GRH de la FU

  • Il est dit que le CG délibère sur « Les décisions de recrutement et de rémunération des agents contractuels recrutés pour les activités de la fondation » (5° de l’article 6 du décret FU). Sachant que les emplois de la FU entrent dans le plafond global des emplois de l’établissement, il était indispensable de prévoir la possibilité pour l’établissement de s’opposer à un recrutement. Ainsi l’article 7 du décret FU énonce que le CA de l'établissement peut s'opposer dans le délai de deux mois et par décision motivée à l'exécution d'une délibération prise « au titre du 5° de l’article 6 ».
  • Au-delà, et bien que ce point ne soit pas abordé par le décret du 7 avril 2008, il découle du caractère « interne » à l’EPSCP de la FU que les éventuels personnels contractuels qu’elle recruterait relèveraient du même régime que s’ils avaient été recrutés directement par l’établissement (notamment, décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat).

Enfin, bien que ces points ne soient pas évoqués dans le décret FU, deux sujets semblent mériter l’attention : le régime des achats de la FU et la fiscalité qui s’y rattache.

En matière d’achats, la FU n’ayant pas de personnalité morale, le régime qui lui est applicable ne diffère pas de celui de l’EPSCP qui l’abrite. Ainsi, puisque les EPSCP sont évidemment des « EPA ayant une mission de recherche », la FU pourra utiliser alternativement l’ordonnance du 6 juin 2005 (pour ses achats destinés à la conduite des activités de recherche) ou le Code des Marchés Publics (pour les autres achats). En théorie, les besoins de la FU devraient être compris dans les besoins généraux de l’établissement et ne pas faire l’objet d’une appréciation distincte des seuils. Cependant, pour répondre à des besoins de souplesse, il est loisible au CA de l’établissement de déterminer que tout ou partie des besoins de la FU seront appréciés à son seul niveau, dans le respect des dispositions de l’article 5.II du CMP et/ou de l’article 1er du décret du 25 avril 2007 (texte d’application de l’ordonnance susmentionnée). A noter un élément spécifique de la réglementation des achats, prévu au décret relatif aux FU, selon lequel « les décisions engageant une dépense d’un montant supérieur à 500 000 euros par opération ou, pour les opérations présentant un caractère pluriannuel, supérieur à 1 000 000 euros ne sont exécutoires qu’après approbation par le conseil d’administration de l’établissement qui abrite la fondation.» (Article 10 in fine du décret FU)

En matière de fiscalité, ce n’est pas en tant que «contribuable» de l’impôt que la FU trouve à s’illustrer particulièrement, mais plutôt en tant qu’outil destiné à réduire l’imposition de ceux, personnes physiques ou morales, qui y affectent des fonds. Il semble important, si l’on souhaite que les FU deviennent effectivement les leviers d’un nouveau « fundraising », que les établissements maîtrisent les avantages liés à ces apports de financements pour pouvoir en faire le portage vers la société civile. Ainsi, notons tout d’abord la réduction d’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques pour les dons et versements à des FU (66% du don en réduction de l’impôt sur le revenu, somme prise dans la limite de 20% du revenu imposable selon l’article 200.1° a) du Code Général des Impôts (CGI).En outre, il est utile de rappeler la réduction pour l’Impôt sur les Sociétés ou l’Impôt sur le Revenu des sociétés civiles pour les versements à des FU (60 % du don, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires, selon l’article 238bis.1° a) CGI).

En conclusion, le régime prévu pour la FU semble présenter un équilibre, adapté à sa nature et à ses missions, entre le poids de l’université et celui des financeurs extérieurs dans la gestion de ces fondations, en ce que sa nature est celle d’une fondation « abritée » par un EPSCP et ses missions sont d’apporter des libéralités « pour la réalisation d'une ou plusieurs oeuvres ou activités d'intérêt général et à but non lucratif».

Téléchargement

Consulter le décret n° 2008-326 du 7 avril 2008

 

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