La Cour des comptes vient de remettre son rapport annuel pour 2005. Une part est consacrée à l'étude de la situation des bibliothèques universitaires en France.

La Cour des comptes vient de remettre son rapport annuel pour 2005. Une part est consacrée à l'étude de la situation des bibliothèques universitaires en France.


Les bibliothèques universitaires.


Les auteurs soulignent en premier lieu quelques éléments chiffrés (5000 agents spécialisés, 106 000 places assises, 27 millions de livres, 466 000 titres de périodiques, 350 M€ de budget) avant de préciser que les BU "constituent un enjeu, non seulement pour 1 179 000 lecteurs, mais également pour la recherche universitaire qui est une part essentielle du potentiel de la France dans le domaine de la recherche publique."


"[..]les bibliothèques universitaires n'ont pas bénéficié, pendant plus d'un siècle, d'une politique nationale clairement définie" peut on lire dans le rapport où il est en outre précisé que ces BU sont "restées à l'écart des réformes entreprises lors de la loi d'orientation de 1968 sur l'enseignement supérieur, elles ont longtemps été réduites à des salles de lectures n'offrant généralement aux usagers que desprestations médiocres et ne détenant que des collections de faible qualité "


"Le rapport Miquel a dressé en 1988 un constat particulièrement négatif de la situation des bibliothèques universitaires françaises,telle qu'elle pouvait être observée à l'époque " rappellent les experts.


Ce rapport de 1988 considérait que « les bibliothèques [constituaient] une des zones sinistrées de l'ensemble universitaire ». A cette époque les Bu accusaient un retard prononcé par rapport à leurs homologues européennes (la moitié des étudiants n'étaient pas inscrits dans une BU, 1 place pour 13 étudiants en moyenne soit deux fois moins qu'en Allemagnne ou en Grande Bretagne etc..)


A ces problèmes structurels s'ajoutaient des inégalités dans les capacités d'accès. Les rédacteurs remarquent que "la base de données ASIBU, qui retrace l'ensemble des données disponibles sur les bibliothèques universitaires, révèle ainsi pour l'année 2002 des inégalités notables dans la capacité d'accès des usagers : le nombre moyen d'étudiants par place est compris entre 4,3 à Strasbourg III et 58,6 à Paris IV"


Malgré ces constats inquitétant les experts de la Cour des Comptes avancent que "l'ensemble des observations précédentes conduisent au constat selon lequel, en dépit des progrès importants et indéniables qui ont été réalisés depuis une quinzaine d'années, les bibliothèques universitaires sont passées d'une situation de pénurie objective à celle d'une offre incontestablement améliorée, mais qui enregistre un retard persistant par rapport aux nations étrangères comparables et qui, dans sa répartition, révèle une inégalité des usagers devant le service public."


Plus inquiétant encore selon les auteurs du rapport les BU ne gagneraient pas une course qu'elles ont perdu d'avance sur l'unique terrain de l'offre. "Partant d'un niveau objectivement plus bas, alors même que les coûts immobiliers et les coûts de gestion documentaire ne cessent de s'accroître, une telle politique pourrait s'épuiser en vain à vouloir rattraper les références étrangères. Selon la sous-direction des bibliothèques de la direction de l'enseignement supérieur, les besoins en surfaces peuvent ainsi être chiffrés aujourd'hui à environ 700 000 m² de constructions, y compris les restructurations. Pour un coût au mètre carré, équipement matériel et mobilier compris, de 2.300 €, un tel programme représenterait une dépense de plus de 1,6 milliard d'euros étalée sur au minimum une quinzaine d'années. A ce rythme, les objectifs du rapportMiquel (un mètre carré par étudiant) ne seraient atteints, toutes choses égales par ailleurs, que vers 2020 environ, sans que la France soit parvenue pour autant à égaler les pays homologues. En ce qui concernepar ailleurs les personnels, il existerait un besoin théorique de 1 500 nouveaux emplois : au rythme actuel de création de 150 emplois par année, il faudrait attendre l'année 2015 pour atteindre cet objectif. Enfin, en ce qui concerne la politique d'acquisition les besoins actuels impliqueraient une augmentation des ressources de plus de 60 % : dans l'hypothèse d'une stabilisation des recettes propres des services documentaires, les crédits budgétaires devraient être doublés.


Ainsi, quels que soient les critères retenus, les objectifs du rapport Miquel ne pourraient être atteints, selon le cas, avant plus de dix ou quinze ans. Le retard sur les autres pays, a fortiori, ne pourrait pas être rattrapé avant un délai encore beaucoup plus long
"


Sur le terrain qualitatif la Cour des Comptes souligne les efforts et les réussites des initiative des professionnels des BU.


La Cour cite ainsi les exemples réussis des centres d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique (CADIST) créés en 1980 qui achètent, conservent et mettent à disposition des BU le demandant une documentation spécialisée pour la recherche. Les mouvements du CADIST représentent un tiers des mouvements de prêts entre BU. Le rapport fait aussi référence au réseau de l'agence bibliographique de l'enseignement supérieur (ABES), créée en 1994, " qui est parvenue à être le point de passage unique du catalogage des documents pour l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur. Cette agence permet désormais l'accès, depuis l'année 2000, à une base de données unique qui recense l'ensemble des documents localisés dans les bibliothèques universitaires : ce système universitaire de documentation (SUDOC), accessible sur Internet, joue un rôle remarquable dans l'harmonisation et la coordination des politiques documentaires, grâce à la normalisation du catalogage et de l'indexation des ouvrages."


Les auteurs n'oublient évidemment pas de citer le Consortium Couperin au rang des réussites . "Créé en 1999 le consortium Couperin (consortium universitaire pour les périodiques numériques) s'est ainsi peu à peu imposé à partir du souhait de certaines universités de mutualiser leurs ressources afin de pouvoir souscrire des abonnements à des revues numériques de plus en plus coûteuses : ce consortium regroupe désormais de très nombreux établissements d'enseignement supérieur et permet l'accès à des milliers de revues numériques. Ce dispositif constitue également une réussite qui a permis d'accroître l'efficience globale des bibliothèques universitaires"


Recommandations


Parmi les recommendations les experts de la Cour des Comptes appellent à une meilleure évaluation de "la performance des bibliothèques universitaires à partir d'indicateurs d'efficacité et d'efficience" ainsi qu'au développement de "l'approche contractuelle. L'accroissement de la place de la politique contractuelle se situe en effet au coeur des évolutions nécessaires. Elle doit favoriser le développement d'une politique de site, actuellement très insuffisante, afin d'introduire davantage de coopération et de mutualisation entre les différentes implantations universitaires locales. Les contrats conclus entre l'Etat et les universités, mais égalementles contrats de plan Etat-Région constituent un levier essentiel pour parvenir à organiser une coopération documentaire interuniversitaire (carte documentaire de site, catalogues collectifs locaux, universités numériques en région donnant accès par une interface unique aux différents systèmes d'information des établissements,…)". Enfin selon les auteurs il ne faut "pas relâcher l'effort sur l'offre documentaire des universités. En effet, à l'heure où la redéfinition de l'offre de formation universitaire par le système L/M/D se met en place dans l'ensemble des pays européens, les universités françaises doivent pouvoir offrir des conditions d'accueil et des ressources documentaires qui tendent à se rapprocher des principales références des grandes universités européennes."

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