Publié le 28 oct. 2004
Texte sur la structuration de la recherche et de l'enseignement supérieur en France (Adopté par la CPU plénière du 21 Octobre 2004)
La CPU mène en continu une réflexion prospective sur les thèmes relevant de ses compétences. Elle réfléchit ainsi en particulier à l'organisation de la recherche et de la formation, dont le développement nécessairement conjoint, au sein des EPSCP, fonde le principe et partant l'existence même des universités.
En tout état de cause l'institution et les établissements universitaires devront jouer un rôle central dans la construction de cette organisation nouvelle, et améliorer ainsi l'efficacité du service public d'enseignement supérieur et de recherche.
Le texte qui suit vise ces deux objectifs d'organisation (formation et recherche).
La communauté universitaire a, depuis un peu plus de 10 ans, engagé des efforts conséquents pour diversifier et faire évoluer ses missions. Deux facteurs récents ont accéléré les réflexions sur l'enseignement supérieur et la recherche : la mise en place généralisée du système européen des diplômes (LMD) ; les débats engagés depuis presque un an sur l'organisation et le fonctionnement de la recherche en France, après ceux, non aboutis, sur l'autonomie des universités.
De plus, de nombreuses analyses se sont récemment accordées sur le handicap que constitue l'état de sous financement de la recherche et de l'enseignement supérieur et sur la nécessité d'un effort financier accru. Elles soulignent aussi que l'apport de moyens supplémentaires ne suffira pas, seul, à répondre aux enjeux actuels et en particulier à la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche, comme à l'établissement de grands accords internationaux.
La grande majorité des acteurs de l'enseignement supérieur, comme ceux de la recherche, notamment les EPST, EPIC et Hôpitaux publics, souhaitent désormais que ces réflexions aboutissent et qu'un vrai schéma stratégique de développement émerge. Un tel schéma pourrait servir de cadre, non seulement aux interactions entre ces acteurs eux-mêmes, mais aussi avec leurs partenaires, publics et privés, nombreux et divers (collectivités, monde socio-économique, etc.), qui ont besoin de percevoir la logique et la cohérence du discours collectif de l'université, et avec elle de la communauté scientifique.
Le texte qui suit s'appuie sur la réflexion collective de la CPU ; il propose quelques pistes pour construire ce schéma stratégique qui doit aboutir à une organisation cohérente incluant l'ensemble des villes universitaires. Il part de constats dont les formulations nécessitent en elles-mêmes un débat. Ne pas mener ce débat, maintenant, par crainte ou hypocrisie, n'est plus possible : notre responsabilité collective est clairement engagée.
I.Un paysage universitaire très distribué et hétérogène
L'enseignement supérieur (post bac) en France comprend, hors Ile de France , 581 implantations géographiques, ou sites, (y compris les STS, CPGE, Ecoles consulaires, etc.), dont 153 sont universitaires, et dont 50 enfin sont sièges d'universités (une ou plusieurs).
Cette forte densité a correspondu à une volonté politique de démocratisation (accès de proximité à l'enseignement supérieur) et à la poussée démographique de 87-95. Elle est une réalité dont il faut tenir compte, en utilisant au mieux cet aménagement du territoire, progressivement construit et qui se révèle très hétérogène ; ainsi 4 régions sur 22 (dont l'Ile de France) rassemblent plus de 50% des étudiants et 9 régions près de 75% (Cf. étude DATAR, par Filâtre et Tricoire, 2004).
Parallèlement, en 30 ans, les universités ont fortement accentué leur rôle dans la recherche et l'innovation et constituent, maintenant, les pôles essentiels d'ancrage et de coordination avec les différents partenaires impliqués (EPST, Collectivités, Entreprises).
Ces deux axes de développement (accès accru à l'enseignement supérieur et positionnement fort en recherche dans les régions) n'ont pas toujours été gérés de façon cohérente : implantations de filières de formation éloignées du contexte de recherche nécessaire ; doublons non contrôlés en termes de diplômes.
Tenir maintenant compte de cet état des lieux, et proposer un dispositif efficace pour y répondre, implique d'accepter explicitement plusieurs constats :
1.Toutes les implantations universitaires existantes ne pourront raisonnablement pas offrir «sur place» des conditions d'accueil adéquates à tous les acteurs dans l'ensemble des domaines de recherche. Des solutions en réseau, entre autres, sont donc nécessaires (par exemple, de type GDR).
2.La reconnaissance internationale d'activités de recherche, dans beaucoup de domaines, implique une organisation collective, et une mutualisation des moyens matériels, toutes configurations qui ne peuvent exister qu'à un nombre limité d'exemplaires, en France, dans chaque grande thématique de recherche.
3.L'excellence (implicitement recherchée par tous) ne fonctionne pas en tout ou rien : un établissement n'est pas excellent en tout et doit afficher des choix, en nombre plus ou moins grand, selon son potentiel. Ainsi, cette excellence peut exister dans un établissement de taille réduite, sur un créneau choisi. Distinguons en effet masse critique, toujours assimilée à une évaluation quantitative, et poids scientifique, traduction de la reconnaissance internationale d'un laboratoire ou d'une filière de formation.
4.La valeur nationale des diplômes garantit leur qualité et leur confère une équivalence de principe sur tout le territoire. Il existe cependant des différences entre ces diplômes, qui peuvent tenir à leur orientation particulière (souvent revendiquée à travers leur appellation). Ceci constitue la richesse de notre offre de formation.
5.Les enjeux nouveaux, auxquels répondent les universités, nécessitent une réorganisation fonctionnelle et stratégique de l'espace universitaire français, sur les plans formation, recherche et innovation. Celle-ci passe obligatoirement par des coopérations, coordinations, voire des regroupements, entre les implantations actuelles. Cette réorganisation doit essentiellement émerger des établissements eux-mêmes. Fruit d'une démarche volontariste et porteuse d'une réelle politique, elle doit exprimer des choix clairs qui seront lisibles par ses différents partenaires.
II.Vers une structuration rénovée du paysage universitaire : les PRES
Pour décrire la réorganisation envisageable, le vocabulaire utilisé fréquemment (ou à la mode !) est déjà fortement connoté. Il faut donc redéfinir certains termes pour en retenir une acception stabilisée.
Les constats précédents conduisent à l'idée que, sur tout le territoire national, la structuration recherchée ne pourra prendre une forme unique : les 5 ou 6 établissements différents d'un site métropolitain unique, l'université pluridisciplinaire unique d'une ville moyenne, les universités récentes de telle autre région, n'ont pas vocation à s'intégrer dans les mêmes schémas. Néanmoins cette intégration dans un ensemble plus large garderait, dans tous les cas, les objectifs universitaires fondateurs : offrir un espace de formation, cohérent et de qualité, ainsi que de recherche et d'innovation, le plus pluridisciplinaire possible, avec un certain nombre de domaines d'excellence. Il est proposé de dénommer PRES (Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur) les différentes formes de coopérations ou regroupements, quelle que soit l'étendue géographique des implantations concernées. Ce sont donc les modalités de coopération et de gouvernance, établies entre toutes les implantations rassemblées, qui attestent de l'existence de ce PRES. Ces modalités, décidées et adoptées par les établissements concernés, portent sur des secteurs plus ou moins larges, mais néanmoins significatifs, des activités universitaires : définition d'une stratégie commune de formation ; détermination d'une politique commune de GRH ; construction de véritables services communs ; écoles doctorales uniques, (voire collège d'écoles doctorales), comité d'orientation statégique commun, stratégie commune de recherche, etc. La mise en œuvre des politiques ainsi décidées s'effectue par délégation de compétences de la part des établissements : Les CA de chaque établissement, membre du PRES, s'expriment sur les choix de ces compétences et donnent les orientations politiques. La réalité de telles délégations peut se vérifier opérationnellement de façon simple : auprès d'un partenaire (tutelle, collectivités, entreprises, EPST), qui est l'interlocuteur accrédité sur une question donnée ? Le PRES permet ainsi d'avancer de façon pragmatique, en incluant les expérimentations nécessaires, si elles sont voulues par tous les établissements partenaires. Ce dispositif ne préjuge pas des évolutions législatives et réglementaires ultérieures.
La négociation des contrats quadriennaux est la période privilégiée pour élaborer ces politiques communes et les afficher sous forme d'un schéma stratégique partagé.
Plusieurs sites métropolitains sont déjà en train d'élaborer différentes formes de PRES. D'autres sont repérables au niveau régional. Enfin, sur un plan interrégional, des formes de décisions collectives, fruit d'un fonctionnement en réseau, existent déjà. A terme, la grande majorité des établissements actuels pourrait se retrouver dans un PRES, aux compétences plus ou moins étendues, très peu d'établissements présentant en effet la capacité de constituer, seuls, un pôle de visibilité internationale. Enfin, il ne faut pas exclure que, sur décision conjointe, quelques PRES aboutissent à une fusion totale ou partielle de leurs éléments constitutifs.
III. Relations entre sites, PRES, pôles de compétences et pôles de compétitivité
Si l'on accepte cette description des PRES comme mode de structuration, totale ou partielle, des activités des établissements d‘enseignement supérieur, il reste à préciser les relations de cette notion avec celles aujourd'hui évoquées : sites, pôle de compétences, pôle de compétitivité, par exemple.
Les PRES, par essence et objectifs, sont des organisations académiques. Ils associent en leur sein, sur une base contractuelle, les EPST qui le désirent. Ils peuvent parfois s'identifier à un site, terme retenu ici essentiellement comme la désignation d'une localisation géographique. Le PRES pourrait comprendre cependant plusieurs sites, et ce dès le début de sa constitution : celui de la ou des universités (mères), ceux de leurs localisations extérieures, ceux éventuels des universités plus isolées, ou des écoles, qui intégreraient le PRES.
Les Pôles de compétences regroupent, eux, des acteurs qui ne sont pas tous universitaires : EPST, EPIC (si ceux-ci ne sont pas déjà associés au sein du PRES), collectivités, entreprises, et qui réalisent de façon coordonnée et complémentaire (quant à leurs apports) un type d'activités relevant d'une même thématique. Un PRES peut abriter ou participer à un ou plusieurs pôles de compétences. Il apportera alors le ou les secteurs d'excellence qui relèvent des domaines de compétences visés. Le PRES peut donc participer, sur des sites différents, à des pôles de compétences différents.
De la même manière, un PRES peut concourir à la mise en œuvre d'un pôle de compétitivité (au sens ou le définit l'appel d'offre récent de la DATAR), sur un domaine de compétence repéré. Dans ce cas, le PRES apportera sa contribution, conventionnellement définie, en particulier en termes de formation professionnelle, de recherche, de transfert et d'innovation
IV. Quelques conséquences de cette évolution
Une telle évolution, conçue ici comme incontournable afin de conserver au monde universitaire son poids légitime et la capacité à mener ses missions, implique quelques conséquences qu'il est utile d'analyser :
1.L'effort qu'accompliront les établissements se traduira, dans certains domaines, par des économies d'échelle ; mais la qualité visée par cette structuration devra être accompagnée (valorisée) par une augmentation de moyens qui s'inscrira dans un engagement général accru de la Nation pour ses universités. Parallèlement, la question de l'orientation des flux étudiants devra être abordée.
2.La structuration progressivement induite reposera encore plus directement, avec la mise en place du LMD, la question de l'organisation interne des établissements.
3.Les négociations contractuelles avec les tutelles concernées devront ensuite se situer au niveau du PRES pour toutes les compétences qui lui auront été déléguées.
4.Les coopérations ou restructurations, volontairement décidées par les établissements constitutifs d'un PRES, ne peuvent s'élaborer que si chacun de ces derniers est suffisamment autonome, passage obligé de cette réorganisation ; cette autonomie correspond à la maîtrise de la gestion de l'ensemble de ses moyens (budget global) et à une gestion par des instances efficaces, affichant une politique claire et forte vis à vis des tutelles et partenaires.
5.La mise en place des PRES soulignera encore plus la nécessaire réforme de notre système global d'évaluation.
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