Lettre n°10

A plusieurs reprises, nous avons abordé ici les problématiques liées aux effets de la Loi organique sur des métiers tels que la gestion financière et comptable, la gestion des ressources humaines ou la fonction de contrôle de gestion. Mais à l’évidence, ce ne sont pas là les seuls domaines qui sont appelés à connaître des évolutions dans les temps à venir sous l’effet de la réforme. En particulier, les questions immobilières apparaissent au cœur de nombreux points de cette réforme et semblent pouvoir donner lieu à une première analyse, notamment à l’occasion de la publication de la circulaire du 15 mai 2006.

Cette circulaire porte sur les nouvelles règles et nomenclatures d’enregistrement budgétaire et comptable des dépenses relatives à l’immobilier de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire.
Elle n’a pas été envoyée aux établissements eux-mêmes, car elle ne concerne que les services déconcentrés du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Toutefois elle aborde un certain nombre d’aspects intéressants et fournit une excellente occasion d’actualité pour développer ces questions.

L’immobilier universitaire connaît, à la faveur de la LOLF, trois grands axes de questionnements, qui s’annoncent comme autant de futurs bouleversements :

  • connaissance de la valeur économique du patrimoine,
  • connaissance et optimisation de l’utilisation du patrimoine,
  • réflexion sur l’évolution de la propriété du patrimoine.

Connaissance de la valeur économique du patrimoine

Du fait de l’article 27 de la LOLF, l’Etat a mis en place une comptabilité générale d’exercice respectant les nouvelles normes comptables internationales. Sur la base de celles-ci, l’inscription d’un élément à l’actif repose sur l’analyse de deux critères : d’une part, le contrôle de la ressource, de l’autre, la jouissance des avantages économiques futurs. On peut donc noter que la notion juridique de propriété n’est plus déterminante et que s’y substitue celle, économique, du contrôle. Cette notion de contrôle est également mise en avant du fait de la transposition des nouvelles normes comptables aux EPSCP à l’occasion de l’instruction M 9 du 23 janvier 2006(1) Lire l'instruction

Au sens de ces nouvelles normes, le contrôle d’une immobilisation corporelle se caractérise notamment par la maîtrise de ses conditions d’utilisation, la responsabilité pour les dommages causés par ce bien et par la jouissance de l’avantage économique et/ou du potentiel de services liés à cette utilisation (Cf. point 2.2 de l’instruction susmentionnée).

Il résulte de ces dispositions que la ligne de partage doit être clarifiée entre l’actif de l’Etat et celui des établissements, tout particulièrement en matière de biens immobiliers. Ainsi, vous verrez que, dans la circulaire du 15 mai susmentionnée, le critère de contrôle par un opérateur est pris en compte pour la comptabilisation des dépenses liées à des immobilisations dont l’Etat est propriétaire (2). Mais la ligne de partage devra aussi être clarifiée entre les opérateurs eux-mêmes car combien sont ceux, situés sur un grand campus hébergeant plusieurs EPSCP voire EPST, à ne pas avoir obtenu de l’Etat une délimitation cadastrale claire de ce dont ils peuvent disposer.

Au-delà de cet aspect, se pose la question du montant pour lequel les biens immobiliers seront inscrits. En effet, s’agissant des immobilisations échangées, apportées ou acquises à titre gratuit, c’est la valeur vénale à leur date d’entrée dans le patrimoine qui doit être retenue comme valeur de comptabilisation. Or, dans un nombre relativement important d’établissements, la base retenue n’est pas la valeur vénale. Ces établissements doivent désormais intégrer cette réforme des modalités de valorisation comptable de la grande majorité du patrimoine immobilier des EPSCP.
Il nous importera donc, si nous sommes dans ce cas de figure, de saisir le plus tôt possible le service des Domaines afin qu’il procède à l’évaluation de la valeur de ces biens. Cependant, une incertitude demeure sur la question de l’existence d’un « monopole » du service des Domaines pour l’évaluation de cette valeur. En effet, l’obligation de faire procéder à une évaluation par ce service ne semble fondée que lorsque celle-ci précède la vente du bien (3). Cela dit, la prudence nous amène à vous recommander de vous rapprocher de ce service afin d’obtenir une évaluation incontestable de ladite valeur.

Ajoutons, pour conclure sur ce volet financier, que ces nouvelles modalités d’évaluation de la valeur sincère de l’actif des opérateurs acquièrent une importance croissante du fait que ces opérateurs apparaissent dans les comptes de l’Etat (4), eux-mêmes certifiés tous les ans par la Cour des Comptes.

Connaissance et optimisation de l’utilisation du patrimoine

Depuis le rapport du sénateur Jean-Léonce Dupont du 18 mars 2003, et ses remarques reprises dans le rapport des trois inspections (IGAENR/IGF/CGPC) relatif à la gestion immobilière et financière des universités de septembre 2003, l’utilisation des bâtiments universitaires est mise à mal : insuffisance de mutualisation des locaux entre composantes, voire entre filières, ou insuffisance de l’exploitation de ces m² d’enseignement en dehors des périodes de cours. En outre, ce dernier rapport pointe la méconnaissance qu’ont certains établissements de ce patrimoine immobilier.

Dès lors, le PAP 2006 décrivait ainsi l’objectif accompagnant l’action 14 :
« L’optimisation de la gestion patrimoine immobilier des établissements d’enseignement supérieur suppose :
- que ces établissements disposent d’une meilleure connaissance du patrimoine immobilier existant, et qu’ils soient en mesure d’en apprécier les aspects quantitatifs (nombre d’implantations et surfaces bâties et non bâties) et qualitatifs (état du bâti et situation des bâtiments au regard des réglementations de sécurité) ;
- que ces établissements développent des outils et des systèmes d’information permettant d’assurer le pilotage de la politique immobilière, et se dotent de plans numérisés de leur parc immobilier, de bases de données à fonctionnalités multiples (ex. utilisation des locaux, état et âge des bâtiments, interventions de maintenance réalisées et à prévoir, etc.), de systèmes de gestion centralisée des bâtiments (alarme, fluides, chauffage, ventilation, etc.) ainsi que d’applications de gestion d’utilisation des locaux.
Dès lors que ces exigences seront atteintes, les établissements pourront adopter une démarche visant à optimiser l’évolution de leur patrimoine immobilier. Cette démarche se traduira notamment par l’élaboration d’un schéma directeur de gestion du patrimoine immobilier. Ce document synthétique constituera à la fois un diagnostic de l’état du patrimoine et de son utilisation ainsi qu’une vision prospective des opérations à entreprendre pour en améliorer la qualité et l’adéquation aux besoins. »

Le PAP indique ensuite que cet objectif sera mesuré au travers du « taux d’occupation des locaux », indicateur dont la construction est en cours.

Ajoutons sur ce point que la Mission « Patrimoine » de l’AMUE, conduite par Claude MUNCH en 2005, a eu à cœur d’accompagner les établissements par la réalisation d’un guide comprenant 3 volets calqués sur ces axes du PAP (Clarification du cadre juridique applicable à la gestion du patrimoine immobilier des universités, aide méthodologique à la mise en place d’un schéma directeur et aide comparative aux choix d’un logiciel de gestion du patrimoine immobilier).

Ce dossier de l’Agence sera publié dans le courant de l’année 2006.

Réflexion sur l’évolution de la propriété du patrimoine

Enfin, toute la réflexion sur la LOLF et sur la responsabilisation des établissements qu’elle entraîne amène nécessairement à se poser la question suivante : comment responsabiliser un établissement qui ne maîtrise pas ses politiques d’implantation immobilière (incapacité d’aliéner ou d’accorder des droits réels sur les biens remis en dotation par l’Etat(5)) et qui n’est pas maître d’ouvrage de droit commun de ses propres constructions(6)  ?

Depuis le rapport de la CPU (dit rapport « Mudry ») relatif au budget global jusqu’au récent rapport de l’IGAENR sur l’expérimentation de la LOLF de janvier 2006, la question de la dévolution du patrimoine immobilier en pleine propriété des établissements est au cœur des réflexions quant aux effets de la LOLF sur les universités.
Ainsi, dans le rapport de l’IGAENR suscité l’on peut lire  que « la maîtrise de la totalité des moyens consacrés par les établissements aux missions que leur donne la loi nécessite que la situation de leur patrimoine immobilier soit définitivement clarifiée ».
En effet, il importera de clarifier la situation du patrimoine immobilier des EPSCP, sa situation actuelle mais aussi future. Ces deux points font l’objet des recommandations suivantes : sur la situation actuelle, le rapport invite le MENESR à « établir, région par région, un calendrier d’affectation des locaux à chaque établissement permettant de clarifier définitivement leur situation patrimoniale ». Et pour le futur, il est recommandé de « définir le processus et les modalités de dévolution des biens aux établissements ».

Bien entendu, tous les établissements ne sont pas désireux de cette pleine propriété car elle suppose des compétences bien spécifiques dont tous ne sont pas dotés et parce qu’elle suppose, aux dires de certains, une remise en état préalable. Mais peut-être que la future création de l’établissement public d’aménagement universitaire(7)  apportera des réponses à ces questions. Gageons, en tous les cas, que ce futur nouveau-né se donnera pour objectif d’améliorer la performance de la politique immobilière de l’enseignement supérieur.

Notes :

1 Pour les EPSCP, la notion de contrôle était quasiment déjà appliquée dans la mesure où le décret du 14 janvier 1994 prévoyait déjà que l’inventaire et l’inscription à l’actif ne dépendaient pas de la propriété du bien mais pouvaient résulter de leur simple mise à disposition ou affectation.

2 A titre expérimental, le MENESR enregistrera ces dépenses en titre 7 sur le compte 26 (relatif aux participations de l’Etat), dès lors que le bien est contrôlé par l’opérateur, que la maîtrise d’ouvrage relève de l’établissement ou d’une collectivité locale.

3 Décret n°86-455 du 14 mars 1986 relatif aux modalités de consultation du service des domaines

4 Avant même la future consolidation comptable, puisque selon la norme comptable n°7 relative aux immobilisations financières, l’Etat fait apparaître les opérateurs comme étant des « entités contrôlées » et donc comptabilisées comme des participations, évaluées par équivalence.

5 Article L 762-2 du Code de l’Education Nationale

6 Articles L  211-6 et 211-7 du même Code

7 Evoqué par l’article 17 de l’arrêté du 17 mai 2006 fixant l'organisation de l'administration du MENESR qui énonce que, au sein de la DGES (Service du pilotage et des contrats), une Sous-direction de la performance et des moyens exercera la tutelle sur « l’établissement public d’aménagement universitaire ». Cet EPAU, annoncé par Dominique de Villepin lors de son intervention du 29 septembre 2005,  devait être « chargé de la remise à niveau des bâtiments universitaires » et disposer « de l’expertise nécessaire pour réaliser les évaluations et la maîtrise d’ouvrage ».

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