Dans la perspective de la préparation de la loi d'orientation sur l'école, la CDIUFM vient de remettre au ministre F. Fillon sa contribution. Créés par la loi Jospin de 1989, les instituts universitaires de formation des enseignants sont relativement jeunes et doivent répondre à de nombreux défis.

A l'image du coureur de fond qui recherche ce "second souffle" qui le portera jusqu'à l'arrivée, les IUFM proposent des mesures visant à améliorer la formation universitaire et professionnelle des enseignants de demain.

Entretien avec Jacques Durand, directeur de l'IUFM Orléans-Tours, président de la Conférence des directeurs d'IUFM (CDIUFM).

Comment l'articulation des IUFM avec l'Université peut-elle être améliorée? Et avec la recherche?

Les étudiants qui se montrent intéressés par le métier d'enseignant devraient pouvoir bénéficier, tout au long du cycle de la licence, de modules de formation et de stages de pré- professionnalisation. Les connaissances du système éducatif français et les découvertes des réalités du métier ainsi acquises à l'occasion de stages aideraient l'étudiant à mieux construire son projet professionnel. L'université exercerait ainsi pleinement son rôle d'orientation vers un futur métier.

Dans cet effort d'accompagnement les IUFM peuvent apporter, au sein de ces modules de pré professionnalisation, les compétences de leurs enseignants, enseignants-chercheurs et multiples partenaires académiques associés à la formation.

En ce qui concerne la recherche de droit commun, il faut s'appuyer sur les laboratoires universitaires existants pour développer les travaux en éducation. Les conventions passées entre les IUFM et les équipes de recherche des universités ont permis la création et le développement d'une vingtaine d'équipes aujourd'hui reconnues et travaillant sur des thématiques en rapport avec l'enseignement, l'apprentissage, les technologies de l'information et de la communication, la maîtrise de la langue, etc.

Il appartient également aux IUFM de développer une vie scientifique contribuant à faire connaître, auprès des futurs professionnels de l'enseignement, les connaissances scientifiques ainsi produites.

Selon vous, comment doit-on repenser la formation professionnelle des futurs enseignants?

Deux pistes de réflexion me semblent essentielles : Progressivité et diversité.

Progressivité dans l'implication du professeur stagiaire au sein de son futur environnement de travail. Dans l'état actuel de l'organisation de la formation, trop courte, de l'ordre de sept mois, les enseignants passent trop rapidement de la situation de lauréat d'un concours (CAPES, CAPET, CAPLP, CRPE, CPE) à la prise de fonctions devant des publics scolaires bien souvent méconnus ou ignorés.

Il faut accompagner plus progressivement cette entrée dans le métier. Pour ce faire, il faut développer les modules de pré-professionnalisation, comme je viens de les décrire, mais aussi les stages de pratique accompagnée. Si le concours avait lieu à la fin de la licence (fin L3 ou début M1), ces stages, associés à des temps de préparation et d'analyse, contribueraient incontestablement, sur une période d'un an (M1), à mieux faire découvrir les facettes du métier d'enseignant et à construire les indispensables compétences requises.

En dernier lieu, principalement dans la seconde année (M2), la pratique du stage en responsabilité, permettrait au futur enseignant, ainsi placé seul devant une classe, permettrait de parfaire sa formation professionnelle.

Chacun sait qu'une formation exclusivement de terrain est insuffisante. La dimension universitaire des connaissances, des analyses d'expériences, des confrontations de situations d'enseignement-apprentissage, sont nécessaires. Des ateliers d'analyses de pratiques professionnelles, co-animés par un formateur de l'IUFM et un conseiller pédagogique de l'établissement d'accueil, doivent parachever le processus de consolidation des compétences professionnelles fraîchement acquises.

Il faut ensuite veiller à la diversité des stages. Jusqu'à présent, l'étudiant lauréat d'un concours du second degré et inscrit à l'IUFM, pour prendre cet exemple, effectue son année de formation professionnelle dans l'académie de l'institut de formation. Il peut n'être confronté qu'à un public particulier qu'il ne rencontrera pas lorsqu'il sera affecté lors de sa première nomination en qualité de titulaire. Il faudrait donc proposer au professeur stagiaire des mises en situation d'enseignement variées, avec des publics scolaires et des niveaux de classe différents. Des collégiens de 4ème, confrontés par ailleurs aux différentes manifestations de la crise d'adolescence, dans un environnement social déterminé, ont un comportement très éloigné des élèves d'une classe de terminale qui se préparent à passer les épreuves du baccalauréat et qui envisagent d'intégrer une classe préparatoire. Il faut former les futurs enseignants à cette grande diversité des publics qu'ils seront susceptibles de rencontrer dès le début de leur carrière.

Quels sont, pour vous, "les nouveaux défis de l'éducation"?

Quand on regarde le métier de l'enseignant, tel qu'il s'exerçait voici plusieurs décennies, on observe que ce que le maître « savait » était transmis aux générations d'élèves, durablement, pendant plusieurs années. C'était un système traditionnel, stable, de transmission des connaissances. Aujourd'hui, avec notamment les nouvelles technologies de l'information et de la communication, les élèves s'approprient des connaissances, à partir de sources diverses. Le maître devient un expert et doit valider, ou invalider, ce que les élèves ont appris. Dans un univers surabondant d'informations diverses, il faut trier le grain de l'ivraie et donner du sens aux apprentissages ; c'est l'un des aspects de ces nouvelles situations qu'il faut maîtriser.

Un second défi tient à l'environnement technologique lui-même. Le professeur des écoles, formé en 2004, exercera toujours en 2040. Face à l'évolution rapide de ces technologies, il y a fort à parier que l'Ecole et les pratiques d'enseignement seront caractérisées par des changements notables. Comment apprendre autrement dans un bureau virtuel, comment travailler efficacement avec des méthodes d'enseignement à distance, comment transformer la sacoche de l'écolier en un véritable cartable électronique ? La formation des futurs professeurs doit leur apporter les connaissances et les outils nécessaires pour développer les compétences pédagogiques adaptées.

L'hétérogénéité des publics scolaires représente, de mon point de vue, un autre obstacle à franchir. Naguère, les professeurs enseignaient à des publics sociologiquement connus. Aujourd'hui, quel enseignant n'est pas, à un moment de sa carrière, dérouté par des élèves qui lui sont étrangers, tant sur le plan culturel que social ou religieux ? Appréhender cette diversité et être en mesure de répondre aux difficultés qu'elle génère, voilà un défi qui s'adresse à l'enseignant récemment titularisé. Ceci doit être appris durant la période de formation pour mieux préparer les futurs enseignants.

Enfin, autre challenge, au-delà de la maîtrise de la langue orale et écrite et de l'apprentissage des mathématiques, l'élève doit pouvoir apprendre une langue vivante. De ce côté là, le maître comme l'élève ont, ensemble, un grand défi français à relever !

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