Construire une politique de gestion des ressources humaines pour les enseignants-chercheurs ?


La question paraît incongrue, tant la représentation commune accrédite l'idée que les universitaires ne connaissent qu'une carrière disciplinaire, liée à leur recherche, qui se déroule largement en marge des compétences de leur établissement.

Lors du colloque de la CPU en 1991, Michel Bornancin, alors premier vice-président de la CPU, avant d'esquisser des pistes pour la surmonter, la décrivait en ces termes "le dispositif national de recrutement et de promotion des enseignants-chercheurs par discipline et groupe de disciplines privilégie la cohérence et la cohésion verticale aux dépens de l'intégration locale : nous sommes avant tout des professeurs des Universités avant d'être professeurs de notre Université".


Pourtant, les activités des établissements montrent que la gestion des personnels représente de plus en plus un enjeu majeur de la gestion universitaire et, surtout, ne se réduit pas à la gestion des personnels ITAOS.

Une rencontre sur ce sujet, organisée par l'Agence de modernisation le 6 juin dernier (dont le compte-rendu sera disponible sur notre web d'ici quelques semaines), a ainsi été l'occasion d'une réflexion et d'un échange d'expériences soulignant que la conduite d'un établissement en matière de personnels enseignants est loin de se résumer à la régulation des temps de service et des heures complémentaires.


Impulser des stratégies de redéploiement des emplois


La gestion prévisionnelle des emplois, par exemple, est une tâche cruciale pour faire vivre un projet d'établissement.

C'est souvent à ce niveau que se traduisent de façon concrète les priorités de l'université : quelles disciplines et formations soutenir ? Quelles thématiques de recherche à renforcer ou faire émerger ? Quels laboratoires et équipes à encourager ? Comment repérer et préparer la disponibilité des futurs responsables d'équipes de recherche ou d'entités administratives et pédagogiques ?


Ainsi, dans la période actuelle de stagnation des effectifs étudiants (avec des baisses dans telle discipline et des augmentations qui continuent dans d'autres) et de départs massifs à la retraite dans les 10 prochaines années, ni l'ajustement aux taux d'encadrement "cibles" ni le simple remplacement des postes vacants ne peuvent tenir lieu de politique, sauf à susciter des tensions dans l'université et prendre le risque de déstabiliser des équipes ou des secteurs faute de relève préparée à l'avance pour pallier les départs "naturels".

Profilage des postes créés et redéploiements internes (d'une composante ou discipline à l'autre, mais aussi d'une section CNU à l'autre dans le même secteur disciplinaire) sont des éléments clefs d'une politique en la matière.


Le dispositif en place à l'ULP (Strasbourg 1) prévoit notamment que tous les postes qui deviennent vacants sont remis à disposition de l'université, qui en discute l'affectation : les postes ne sont pas acquis, une fois pour toutes et quoi qu'il arrive, comme une sorte de patrimoine propre, pour la composante ou le secteur disciplinaire d'implantation. En outre, la discussion sur les postes vacants est menée, et dans les mêmes instances, que les discussions sur les créations d'emplois, pour garantir la cohérence globale.

L'université peut donc se doter d'une véritable stratégie, qui lui permette aussi bien d'anticiper sur les évolutions que de dialoguer avec le ministère sur la base de vraies priorités.


De plus, contrairement à ce que l'on peut croire parfois, la relation entre le conseil d'administration de l'établissement et les commissions de spécialistes ne se résume pas forcément par l'alignement du premier sur les décisions "autonomes" des secondes. Un dialogue entre les deux peut en effet permettre, comme l'ont montré certaines expériences, que l'établissement demande et publie des postes précisément profilés en fonction de certaines priorités de l'université, dans une logique différente de l'addition des préoccupations scientifiques individuelles ou endogènes au secteur scientifique, avec toutes conséquences liées (jusqu'au refus du candidat proposé par la Commission si celui-ci ne répond pas au cadrage préalablement fixé).

Si la relation exige une concertation dense et continue, elle peut permettre en la matière au conseil d'administration de jouer un vrai rôle dans la définition des emplois, tout en laissant aux commissions leurs prérogatives dans l'appréciation scientifique des candidats.


Des formations au service d'une démarche qualité pour les missions d'enseignement et de recherche


En dehors même du moment vital des recrutements, la gestion des enseignants-chercheurs peut trouver à se déployer dans d'autres domaines.

La gestion sociale (accueil, aides et accompagnement...), même si elle ne peut revêtir la même importance que pour les IATOS, n'en est pas moins appréciée, en particulier pour les jeunes enseignants-chercheurs qui doivent arriver du jour au lendemain dans un établissement et une ville inconnus.



En matière de gestion des rémunérations, les outils existants sont encore limités, mais certaines marges de manœuvre pour une politique d'établissement existent, qu'il s'agisse de la gestion des heures complémentaires, des critères d'appréciation pour le volant local pour les promotions ou encore des possibilités introduites par la prime de responsabilité pédagogique…


Un autre domaine se développe également en matière de GRH concernant la formation des enseignants-chercheurs.

De nombreuses compétences sont en effet demandées aux enseignants-chercheurs, sans que celles-ci ne fassent l'objet de formations préalables, que ce soit les compétences pédagogiques de l'enseignant, le pilotage des activités de recherche (animation d'un labo, valorisation…) ou autres dans l'établissement (pilotage de formation initiale ou continue, services administratifs, relations internationales…), l'appropriation des nouvelles technologies d'information et de communication, etc.


En la matière, on peut remarquer la politique de l'université de Lille 1 (sciences et techniques), qui a signé une convention avec le Centre d'Initiation à l'Enseignement Supérieur (CIES) de Lille et organisé avec lui en janvier une première journée d'études intitulée "les professiorales", en vue d'une démarche qualité sur les missions des enseignants-chercheurs.

La seconde édition se tiendra le 15 juin à Lille 2, sur le thème "devenir enseignant-chercheur".

Ouverte aux moniteurs du CIES et aux Maîtres de conférences des universités de la région, cette journée sera l'occasion d'aborder les sujets suivants :

- vers une démarche qualité à l'université (le service public universitaire, vers une démarche qualité à Lille 1, les enjeux de la démarche dans le service public)

- comment enseigner en 2005 ? (les formes nouvelles d'enseignement, les équipes pédagogiques : mythe ou réalité ?)

- le "mal-être" des maîtres de conférences : comment débuter dans la carrière universitaire ? (point de vue syndicaux, itinéraire d'un universitaire, témoignages de MCF de plusieurs disciplines).


Cette initiative témoigne que les CIES, qui ont pu apparaître parfois comme une structure un peu artificielle pour accompagner les moniteurs, peuvent s'intégrer dans les universités et devenir un outil des établissements contribuant aussi à la formation continue des enseignants-chercheurs.

 

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