Président du Comité national d'évaluation (CNE), Gilles Bertrand répond aux questions d'Act-U à l'occasion des 20 ans du Comité

Président du Comité national d'évaluation (CNE), Gilles Bertrand répond aux questions d'Act-U à l'occasion des 20 ans du Comité

Qu'est-ce que l'évaluation, en 2004, pour le CNE?

Pour nous, c'est un processus en deux temps. Le premier pas, c'est l'auto-évaluation de l'établissement. Nous construisons notre évaluation sur cette auto-évaluation que nous accompagnons.

L'évaluation externe, dans un deuxième temps, consiste à apprécier les axes de développement des établissements, à voir la façon dont ils gèrent leur "portefeuille" de formation et de recherche. A la suite de quoi nous formulons des recommandations. Celles-ci visent à améliorer les performances des établissements. Contrairement à d'autres instances, nous ne procédons pas à un examen filière par filière, labo par labo. Nous regardons les stratégies mises en œuvre par l'établissement d'un point de vue global.

Les universités se sont-elles maintenant approprié cette culture de l'évaluation?

On ne peut pas dire que cette culture soit active et continue mais des efforts ont été fournis. Cela dépend aussi des filières. Les facultés de médecine ou les écoles d'ingénieurs s'accomodent plus facilement de la démarche d'évaluation. Mais pour beaucoup, des progrès restent à faire parce que cela n'appartient pas à la culture des établissements. Ainsi peu d'entre eux procèdent à une évaluation des enseignements. Les gens ne comprennent pas l'usage qui peut en être fait. Or si nos recommandations sont prises en compte, on peut assister à de vraies améliorations.

Ainsi avions-nous signifié à Chambéry que nous trouvions dommage qu'il n'y ait pas de contractualisation mise en place avec les pays de Savoie. Eh bien depuis, une convention a été signée. De même, l'université entretenait peu de relations avec le Genevois pourtant voisin. Depuis notre recommandation, des liens se sont noués.

Justement, l'évaluation n'est plus seulement celle d'un établissement mais bien d'un établissement dans son environnement…

Exactement ! Pour exemple, nous ne procédons pas à un classement des universités comme celui de Shangaï qui a fait beaucoup de bruit il y a quelque temps. Nous nous attachons à resituer chaque université dans son contexte. Chacune doit être lue selon les mêmes indicateurs mais pas selon les mêmes motivations. Prenons les cas de deux établissements : l'université Pierre et Marie Curie d'un côté qui est, selon le classement de Shangaï, la première des universités françaises et de l'autre l'université d'Avignon, moins bien située dans le classement. Certes il y a des choses excellentes de faites à l'UPMC, mais il reste des progrès à faire, notamment en ce qui concerne les liens entretenus par les différentes universités parisiennes. Avignon n'a pas les mêmes atouts, mais elle s'inscrit dans le pays du Vaucluse.

Malgré ces différences d'environnement, qu'est-on en droit d'attendre d'une université française en 2004?

Qu'elle ait une offre de formation et de recherche fondée sur des compétences propres qui permet un développement au meilleur niveau. L'établissement doit aussi considérer l'étudiant comme quelqu'un qui parcourt l'université et de ce fait, doit être entouré de toutes les attentions, aussi bien en ce qui concerne les cours que la vie étudiante. En bref, les universités ont toutes les mêmes missions mais elles n'ont pas à les remplir de la même façon. On a pu le constater avec le guide de références que nous leur avons proposé dans le cadre de l'auto-évaluation. Chaque université se l'est approprié et s'en est servi de façon très personnelle. Cette diversité constitue une véritable richesse.

Justement, vous commencez à recueillir les premiers échos autour de ce guide de références. Les utilisateurs se sont-ils déclarés satisfaits?

Nous avons déjà reçu les avis de Paris I, Nancy II, l'INP de Lorraine, Metz et Sciences-Po Paris d'ici peu. Et nous attendons un certain nombre de retours pour les mois de mai et juin. La plupart des établissements nous ont dit que le guide constituait un bon outil d'introspection et de regard en interne. Quand dans les universités, il y a eu un bon investissement des personnels autour de l'auto-évaluation, la mobilisation porte ses fruits. Les présidents y ont vu une bonne façon d'apprécier l'état de leur établissement. Pour certaines questions du guide, ils se sont rendus compte qu'ils n'avaient pas les moyens d'avoir des réponses. Le guide a permis de soulever des problèmes jusque là restés dans l'ombre.

Dans le cadre d'un espace européen de l'enseignement supérieur, pensez-vous qu'il serait possible d'envisager des critères européens d'évaluation?

Oui et non. Oui parce que ce que nous faisons en France en matière d'évaluation pourrait être étendu. Mais les modes de gestions sont différents les uns des autres en Europe. En France, par exemple, les enseignants appartiennent au corps des fonctionnaires. Mais dans d'autres pays, l'université est totalement responsable de son enseignant. Les évaluations ne peuvent pas être faites de la même façon.

Ce qui est essentiel, c'est de faire en sorte que les critères de chaque pays soient lisibles par les autres et qu'il existe une reconnaissance internationale des structures d'évaluation.

On a le sentiment que vos rapports d'évaluation sont plus "mordants" qu'auparavant.

C'est une orientation donnée volontairement. Si nous voulons être utiles, il faut que nos recommandations soient claires. Il ne s'agit pas pour nous d'être "méchants" mais de faire en sorte que nos recommandations soient suivies. Si nous rendons des avis mi-chèvre mi-chou, les établissements ne peuvent rien en faire.

En parlant de "mordant", je suppose que vous faisiez notamment allusion au rapport sur Montpellier. C'est vrai, ce rapport était dur. Mais c'était une parole vraie. Et depuis, les gens de Montpellier travaillent à des améliorations concrètes. D'ailleurs je serai là-bas lundi. Si je craignais d'y être accueilli par des hallebardes, je n'irai pas !

Le CNE fête ses 20 ans. Quelles ont été les évolutions du Comité sur cette période?

La création du CNE répondait à une demande des présidents d'université. Ce n'était donc pas une démarche autoritaire d'Alain Savary.

On pourrait dire qu'il y a eu une première période orchestrée par Laurent Schwartz. Il a su prouver qu'il était important d'évaluer les établissements, de constituer une sorte de monographie, une présentation des universités. Le CNE est d'ailleurs le seul à proposer un tel descriptif.

Maintenant que cette phase de présentation a été faite, nous menons un travail plus incisif qui incite plus fermement les établissements à la correction de certains de leurs défauts. La démarche antérieure était plus "philatélique". On parlait plus des UFR que de gouvernance. Désormais, c'est la démarche inverse. Nous parlons des UFR mais dans le cadre de la stratégie globale de l'université.

Nous nous attachons à un nouveau problème : être en phase avec les objectifs de Berlin. C'est pourquoi nous développons l'auto-évaluation. Le CNE se doit de crédibiliser le système universitaire français dans le cadre du processus européen.

Vous organisez un colloque les 10 et 11 juin à Dijon. Qu'en attendez-vous?

Pendant deux jours nous y parlerons d'évaluation. Nous allons essayer de mettre en perspective les pratiques européennes et clarifier les différents domaines : certification, qualification, assurance-qualité… Nous souhaitons aussi faire témoigner les acteurs de leurs parcours avec le CNE, leur demander ce qu'ils en ont tiré. Ce qui est intéressant, c'est que, grâce à ce colloque, nous allons pouvoir mettre en évidence tout cela dans un cadre unique.

 

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