La Cour des comptes a remis le 4 février 2009 son rapport annuel sur les finances publiques. Le chapitre consacré à la gestion du patrimoine immobilier des universités décrit, entre autre, une situation "préoccupante" au regard de la sécurité.

Les auteurs constatent le caractère non-exhaustif des inventaires et critiquent la méconnaissance du statut juridique des biens. Ce constat n'est pas sans rappeler celui des précédents rapports de la Cour. En effet, les rapports de 2003[1] et 2005[2] précisaient déjà que la conservation en état de fonctionnement et de sécurité du patrimoine des établissements, son adaptation aux besoins et son développement devaient apparaître comme une préoccupation constante, en raison de l'impact sur la vie et le financement des établissements.

Le parc immobilier universitaire est jugé hétérogène et souvent trop dispersé du fait de la prépondérance donnée à la  recherche de surfaces supplémentaires parfois au mépris de la cohérence d'ensemble. Est  également pointé le manque de diagnostic de l'état du bâti et la planification pluriannuelle des opérations immobilières. En effet, peu d'établissements disposent d'instruments leur permettant d'une part de rationaliser la gestion de leur patrimoine immobilier, et d'autre part d'assurer une véritable programmation des interventions. Toutefois ces rapports relevaient qu'au cours du temps, les établissements avaient progressé dans la réflexion sur leur politique immobilière.

Un nouveau prisme d'analyse

Le rapport de 2009 confirme cette trajectoire de progrès - comme le démontre le tableau relatif à l'évolution de l'informatisation de la gestion patrimoniale (p. 457) - mais réexamine toutes ces questions à l'aune d'une double « nouvelle donne » législative :

  • la loi du 18 avril 2006 de programmation pour la recherche (dite LPR) qui a posé les fondements des Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et qui a ouvert la voie à des dynamiques de fusion d'établissements ;
  • la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite LRU), qui énonce, en son article 32, les principes et conditions d'une accession des universités à la pleine propriété de leur patrimoine immobilier.

En effet, la LPR qui autorise la création d'établissements publics de coopération scientifique (EPCS), pouvant se voir confier la coordination de la gestion immobilière de ses membres, pose la question de la taille critique qu'il est nécessaire d'atteindre afin d'avoir une gestion patrimoniale optimale : détermination et/ou négociation d'une politique de site dans une position renforcée vis-à-vis des collectivités territoriales, mutualisation d'outils informatiques ou de compétences techniques rares, optimisation des occupations, etc. Sur ce dernier point, la Cour livre que « aux termes des données collectées en 2008 qui concernent 76 % des établissements, le taux d'utilisation des amphithéâtres et des salles banalisées est estimé à 72 % par rapport à une occupation théorique optimale. Même si elles ne sont pas exhaustives et devront être affinées, ces données illustrent la marge de progression que les établissements doivent chercher à utiliser avant d'augmenter leurs surfaces et donc leurs coûts. »

La tendance de la juridiction financière, dans cette période de stabilisation globale des effectifs, est donc clairement plus à l'optimisation qu'à l'accroissement des surfaces.

La Cour fait sur ce sujet le constat de la rareté des EPCS s'étant donné pour mission d'intervenir sur la gestion patrimoniale et interroge donc le ministère sur ses intentions en la matière : si l'opération « campus » retient bien des « sites » pour périmètres de leurs projets, elle ne permet pas de faire la lumière sur un certain nombre de points car les montages juridiques et financiers demeurent imprécis (disposera-t-on de 3,7 ou de 5 Mdrs d'€ au titre de cette opération ? quel sera le rôle des PRES et/ou des établissements dans la coordination locale de l'opération, dans la passation des contrats de partenariat ?) le rôle qui sera joué par les acteurs centraux (Caisse des Dépôts et Consignations et Mission PPP du MESR) reste flou.

De même, la loi LRU transforme profondément l'angle d'approche des examens de la Cour puisque la LRU autorise la « pleine propriété ». Selon la Cour, l'accès des universités à une réelle autonomie suppose la pleine propriété de leur patrimoine immobilier et cette propriété suppose que l'université soit maitresse en la matière : qu'elle se dote de schémas directeurs fiables et concertés, qu'elle détermine la répartition stratégique de ses implantations (plans de cessions et d'acquisitions), etc.

Pour un transfert du patrimoine aux universités

Le rapport recommande un  transfert du patrimoine immobilier, sans plus attendre, dans le cadre de l'autonomie. Pour les auteurs, les établissements, longtemps peu responsabilisés sur se sujet, n'accèderont véritablement à l'autonomie que lorsqu'ils « exerceront toutes les prérogatives du propriétaire ». Cette évolution de la gestion immobilière semble d'ailleurs favorisée par le contexte actuel dans le supérieur (loi LRU, réforme du financement, opération Campus ...) mais aussi au niveau interministériel (circulaires du 16 janvier 2009 relatives à la politique immobilière de l'Etat et de ses Etablissements Publics, portant sur la mise en place des conventions d'utilisation du domaine public et l'extension du dispositif des loyers budgétaires[3]).

Condition première au transfert du patrimoine, la connaissance et la valorisation de celui-ci. Le rapport indique que « trop peu d'établissements ont une vision structurée de leur politique immobilière, en cohérence avec leur projet scientifique et pédagogique. »
Plusieurs autres conditions sont posées, au nombre desquelles la question du financement par l'Etat, de l'amortissement budgétaire des biens immobiliers transférés, de la mise en place d'une direction du patrimoine et d'une comptabilité patrimoniale fiable, sincère et exhaustive.
Le rapport précise également les moyens qui doivent être mis du côté du ministère. La nécessité d'un « accompagnement soutenu de la part du ministère ainsi qu'une capacité d'expertise renforcée » est rappelée. Les auteurs recommandent « que la qualité du pilotage immobilier fasse l'objet d'une pondération suffisamment significative parmi les critères retenus dans le cadre de la nouvelle répartition des moyens aux universités ».

Dans sa réponse au rapport, le ministère de l'Enseignement supérieur a déclaré que ce transfert de patrimoine ne pouvait s'envisager de manière généralisée dans l'immédiat. Des conditions préalables à ce transfert ont également été posées par le ministère du Budget : maîtrise des compétences financières et de ressources humaines, connaissance parfaite du patrimoine, définition d'une politique immobilière cohérente. Le MESR précise d'ailleurs que l'article 32 de la Loi LRU lui-même prévoit que ce transfert « s'accompagne, le cas échéant, d'une convention visant à la mise en sécurité du patrimoine, après expertise contradictoire », point qu'il considère comme un autre préalable nécessaire.

Débat sur les CPER

Créés par la loi du 29 juillet 1982, les CPER  2000-2006 ont été, selon le rapport, mal utilisés, car mal définis, mal exécutés et difficiles à évaluer. Pour la Cour, les contrats 2000-2006 « sont apparus comme des outils de programmation trop imprécis » et ne seront consommés que d'ici à 2012. Cette critique, qui dépasse la stricte question de l'immobilier universitaire, avait été largement partagée par le passé et avait conduit à la refondation du dispositif en 2006. En effet, la circulaire du premier ministre du 6 mars 2006 déplorait l'inadéquation entre les contrats de « plan » et la logique d'évaluation de la performance des politiques publiques impulsée par la LOLF : les contrats de « projet » Etat Régions passaient par les fonds baptismaux. « Des objectifs plus clairs, mieux évalués, des contenus plus resserrés, (...) une meilleure garantie du respect des engagements de l'Etat ». Les ambitions données aux « contrats de projet » (CPER 2007-2013) ne semblent pas satisfaisantes aux yeux de la Cour, qui relève que, sur les deux premières années, seuls 15% des autorisations d'engagements ont été notifiées soit une année théorique. Le rapport pointe le risque de « fort de dérapage » et de remise en cause du calendrier de réalisation. Comme le souligne la Cour, le non respect de ses engagements financiers par l'Etat - s'il est compréhensible dans le contexte budgétaire actuel - réduit les capacités de pilotage et de gestion prévisionnelle des opérations immobilières par les universités, maintenues dans l'incertitude sur l'obtention des financements CPER.

Au-delà, le dispositif des CPER, ainsi que les autres éléments qui composent les circuits de financement de l'immobilier universitaire (crédits relevant d'autres programmes, tel le programme 231 « Vie Etudiante », financements des organismes de recherche ou de la Caisse des Dépôts pour l'opération Campus, etc...), sont clairement désavoués par la Cour, qui appelle à ce que le contrat quadriennal devienne le seul vecteur contractuel de l'exercice, par l'Etat, de sa tutelle en matière de politique immobilière (p.460).


[1] http://www.ccomptes.fr/fr/CC/Sommaire-7.html

[2] http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-info/i3160_annexe1.pdf

[3] Ce dispositif des « loyers budgétaires », qui en est pour l'instant au stade expérimental ministériel, consiste en l'obligation de verser des loyers pour les biens occupés - loyers évalués en fonction de la valeur du marché - sachant que les crédits correspondant à ces nouveaux loyers sont ajoutés aux crédits de fonctionnement des ministères. Il s'agit donc, la première année, d'une mesure de périmètre. Ensuite, les économies leur resteront acquises et les dépenses supplémentaires seront, le cas échéant, à leur charge. Ce mécanisme permet dès lors de faire effectivement payer aux responsables des services le coût de l'occupation des biens domaniaux.

Pour les opérateurs (i.e. notamment les universités), la circulaire garantie que « les biens remis en dotation aux opérateurs seront maintenus à leur disposition, dans le cadre du dispositif conventionnel qui sera mis en place ». Cependant, il est indiqué que des conventions d'utilisation avec loyers budgétaires sont également envisagées via une contractualisation entre les Ministères et leurs opérateurs.

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