Publié le 30 avril 2001
Depuis le début de l'année civile, un document de travail émanant de la direction des enseignements supérieurs du ministère, circule dans la communauté universitaire sous le nom de « note d'orientation pour une nouvelle étape vers la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur ».
Malgré la prise de position de la Conférence des Présidents d'Université le 8 février dernier, ce document a gardé jusque-là un caractère informel.
Après diverses concertations plus ou moins formelles, ce texte remanié devrait être présenté de façon officielle au CNESER (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) du 23 avril 2001, et lancer ainsi un débat public sur les orientations qu'il propose.
Au vu de la présentation qu'en fait l'AEF (Agence Education Formation), le document ministériel revêt une importance de nature à faire office de réforme générale des études, même s'il n'implique pas nécessairement de modifications réglementaires dans les textes existants.
Une approche radicalement nouvelle
Il vise à faire basculer, d'ici cinq ans, l'ensemble de l'offre de formation diplômante supérieure française dans le système de crédits ECTS (European credit transfer system).
Cela signifie une approche radicalement nouvelle, qui va bien au-delà d'un simple dispositif d'équivalence internationale des diplômes, comme on le confond souvent à tort.
Le système ECTS ne se définit en effet pas seulement par le volume traditionnel d'heures d'enseignements dispensées (cours magistraux, TD et TP), mais en fonction du volume d'activités théorique requis de l'étudiant et pris en compte dans son évaluation, ce qui comprend donc tout le travail personnel qu'on estime nécessaire dans l'apprentissage.
Le périmètre du crédit ECTS est donc également plus large que l'unité d'enseignement française, et peut inclure des modalités de formation telles que les stages, les mémoires, les projets, les moments d'auto-formation, etc.
Indissociable des notions de modularisation et capitalisation, le dispositif ECTS exige au préalable une évaluation fine de la difficulté et de l'importance du travail demandé à l'étudiant, démarche autrement plus complexe que le calcul des temps de présence aux cours !
L'ambition et la difficulté de la mise en place d'un tel dispositif sont par conséquent moins liées à la traduction des diplômes et modules en crédits (exemple : une licence équivaut à 180 crédits) qu'à la délimitation de ce que l'on met précisément derrière ces crédits.
Dans ce nouveau cadre, en outre, la notion de durée « normale » pour obtenir un diplôme est dépassée : les 180 crédits nécessaires à l'obtention de la licence ne sont pas nécessairement équivalents à trois années, mais peuvent correspondre aussi bien à huit semestres…qu'à quatre ou six, selon le rythme de l'étudiant (en fonction de ses capacités, mais aussi de ses choix de vie : engagement professionnel, voyage…).
Vers l'espace européen d'enseignement supérieur
Les avantages apparents d'un tel dispositif sont évidents du point de vue de la mobilité internationale, qui a constitué le levier déclenchant de cette approche, afin de permettre une mobilité étudiante entre différents systèmes d'enseignement supérieur, puis une convergence plus générale vers l'espace européen d'enseignement supérieur.
C'est pourquoi le ministère présente ces orientations dans la perspective de la conférence des ministres de Prague (18 et19 mai), dans la lignée des conférences de la Sorbonne (1998) et Bologne (1999) et du plan d'action mobilité européen entériné lors du sommet de Nice en fin d'année dernière.
Une voie pour faire évoluer le dispositif pédagogique français
Mais la conversion en ECTS est également riche de potentialités pour l'évolution du dispositif pédagogique français.
Depuis une quinzaine d'années, les différentes réformes s'efforcent de promouvoir une organisation des formations qui ne se réduise pas à la sanction par le diplôme d'une addition de cours disciplinaires et annuels classiques.
Amélioration de l'accueil et de l'intégration des nouveaux étudiants, lutte contre l'échec en premier cycle, ouverture de possibilités de réorientation en cours de formation, diversification des parcours pédagogiques, introduction de formations méthodologiques, tutorat, pluridisciplinarité accrue, modularité, capitalisation, semestrialisation : divers objectifs ont été poursuivis avec plus ou moins de succès, comme l'attestent encore les bilans tirés de la réforme Bayrou de 1997.
Dans la plupart des cas, l'un des obstacles principaux sur lequelle ont achoppé les nouveaux dispositifs résidait dans la conciliation problématique du modèle classique « un cours =un prof= une matière disciplinaire= un examen » avec les nouveaux processus de formation envisagés.
La perspective de conversion en ECTS ouvre en revanche la voie à une conception plus large et plus souple des formations, aussi bien au niveau de leur organisation dans le temps (parcours évalué dans sa complétude finale et non plus par addition d'unités d'enseignement figées) que dans leur nature (formation plus large que les simples présences aux cours).
Elle permet donc d'envisager autrement des objectifs tels que l'accueil à l'université, la réorientation ou la spécialisation progressive dans les disciplines.
Diplômes Bac+5 et mastaire
De plus, l'architecture maintenant popularisée dans toute l'Europe sous le nom de « 3-5-8 » offre une balise de sécurité pour d'éventuelles dérives vers des formations à la carte, la perspective de l'addition désordonnée d'Unités de valeur «au choix », propices à l'allongement des études, étant généralement jugée peu adaptée à la population étudiante actuelle.
La nécessité d'un pilotage pédagogique cohérent, notamment sous la forme d'équipes enseignantes solides, s'avèrera néanmoins plus que jamais indispensable, puisque l'esprit du dispositif ECTS repose sur un effort collectif de définition des parcours de formation et du travail étudiant correspondant.
Par ailleurs, le texte du ministère précise la notion de « grade » au sujet du mastaire (Bac+5), en dessinant la perspective d'une formation en deux ans non réductible à la succession de la maîtrise puis du DESS ou DEA, comportant une spécialisation progressive vers la voie de la recherche ou vers la voie professionnelle.
Dans ce cadre, le mastaire correspondrait à un « niveau » internationalement lisible, compatible avec la dualité nationale entre écoles et universités, et pouvant se superposer à un nouveau diplôme à Bac+5 à inventer, qui sanctionnerait la formation en deux ans spécifique aux universités.
Une entrée progressive des établissements
Comment se traduiront les orientations éventuellement retenues à l'issue du débat ?
Le ministère semble aujourd'hui privilégier la souplesse, avec une entrée volontaire et progressive des établissements tout au long des cinq ans à venir, y compris en laissant ouverte la possibilité d'une entrée partielle par champs disciplinaires au niveau de chaque établissement dans le cadre de leur autonomie.
Dès lors, la démarche retenue milite pour une possibilité d'expérimentation ouverte par un texte ad hoc, de préférence à une nouvelle réglementation générale obligeant les universités à progresser d'un même pas.
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