Claude Allègre publie en cette rentrée un livre d'entretiens avec le journaliste Jérôme Joffrin, "Toute vérité est bonne à dire", dans lequel il revient longuement sur son expérience à la tête du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, mais où il donne également son opinion sur son itinéraire politique, sur les années passés aux côtés de Lionel Jospin ou sur la politique du gouvernement mis en place en juin 1997.


Les nombreux commentaires sur les propos de l'ancien Ministre s'attardent en général sur les appréciations portées sur la politique menées dans l'enseignement secondaire et les relations tumultueuses avec certains syndicats.


Claude Allègre aborde néanmoins aussi les questions de l'enseignement supérieur et de la recherche, en détaillant par exemple longuement ses réformes concernant l'harmonisation européenne, "fil d'ariane pour contribuer à construire l'Europe, mais aussi pour rénover l'enseignement supérieur français", la recherche, le plan U3M ou le processus enclenché autour de la loi sur l'innovation


Si on doit augmenter quelque chose, c'est le budget des universités


Parmi ses réflexions, l'ancien Ministre rappelle sa conviction que l'effort budgétaire de la nation pour l'éducation devrait d'abord porter sur l'enseignement supérieur : "Si on doit augmenter quelque chose, c'est le budget des universités où nous sommes encore prés de la lanterne rouge en Europe. Mais, pour le secondaire, nous sommes ceux qui dépensons le plus, avec les Italiens".


Il rejette l'idée d'hécatombe du premier cycle universitaire, qui conduirait trop d'étudiants à l'échec : "Sans aucune sélection, sans interdiction de s'inscrire dans des filières auxquelles on est pas préparé, 60% des étudiants réussissent en trois ans leur DEUG. C'est presque aussi bien que les élèves de classes préparatoires qui entrent à 75% dans une grande école en trois ans. Ce n'est pas si mal, et, si le baccalauréat était contrôlé avec un peu plus de sérieux, le résultat serait encore meilleur".


Analysant le problème de niveau du bac comme une conséquence de la surcharge des programmes du secondaire, Claude Allègre se prononce contre la sélection à l'entrée de l'université : " Il existe un secteur très sélectif : celui des grandes écoles (…) il me paraît normal qu'il y ait une seconde chance pour ceux qui n'ont pas bien travaillé au lycée ou qui sont allergiques aux méthodes du lycée. Cette seconde chance est offerte par l'université. Comme le dit le doyen Georges Vedel : "j'étais un fantaisiste au lycée et je me suis mis à bien travailler en fac parce que le droit m'a passionné"".


Séparer recherche et éducation supérieure n'a pas de sens


"Dans le monde actuel, l'université est au cœur de l'économie", martèle le promoteur de la loi sur l'innovation, qui se réjouit d'avoir "mis fin à cette absurdité qui voulait que l'Etat finance directement la recherche des grands groupes industriels", car "le secteur public doit faire de la recherche désintéressée, axée sur la connaissance, puis être à même de transférer ses savoirs vers les applications. Mais le privé, lui, doit s'orienter vers l'efficacité, vers le marché et le profit. Sa recherche doit être conçue pour cela."


Concernant le secteur public, on se souvient des difficultés rencontrées avec le CNRS, que le Ministre jugeait à la fois trop hexagonal, bureaucratique et conservateur. Tout en reconnaissant que la recherche fondamentale française ne serait pas ce qu'elle est sans de remarquables équipes et chercheurs issus du CNRS, Claude Allègre maintient ses critiques : "nous vivons totalement immergés dans la mondialisation, et toute recherche qui n'est pas excellente est inutile. C'est un critère cruel, injuste parfois mais impitoyable. Or notre système, avec ses élus syndicaux qui dominent les commissions, le poids du passé, n'arrive pas à concentrer les moyens sur les équipes les meilleures, et il n'arrive pas à prendre des risques, soit avec les jeunes, soit avec les nouvelles disciplines."


Il plaide alors pour une meilleure synergie avec les universités " Seul le contact plus étroit avec l'université peut faire évoluer le CNRS. C'est pour cela que séparer recherche et éducation supérieure n'a pas de sens".

Dans le monde demain, ce n'est pas la quantité mais la qualité qui primera, avance-t-il.


"Serons-nous capables de relever ce défi ? Pour l'Angleterre, la Hollande, cela semble acquis. Pour l'Allemagne, la France et l'Italie, la vérité est que c'est moins certain."

 

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