Publié le 20 janv. 2004
Géographe, ancien recteur (académies de Grenoble et Versailles), mais aussi directeur scientifique au CNRS, Armand Frémont est le président de l'instance chargée par le Commissariat Général du Plan d'évaluer la politique de contractualisation menée au sein des universités françaises de 1984 à 2002. Pour Act-U, Armand Frémont revient sur les deux ans de travaux de l'instance et ses résultats.
Géographe, ancien recteur (académies de Grenoble et Versailles), mais aussi directeur scientifique au CNRS, Armand Frémont est le président de l'instance chargée par le Commissariat Général du Plan d'évaluer la politique de contractualisation menée au sein des universités françaises de 1984 à 2002. Pour Act-U, Armand Frémont revient sur les deux ans de travaux de l'instance et ses résultats.
Dans votre rapport, vous constatez que certains acteurs du monde universitaire connaissent mal le principe de contractualisation. En préambule, pouvez-vous l'expliquer?
On a commencé à parler de la contractualisation à la fin des années 70. Il s'agit d'un contrat passé entre le ministère de tutelle et une université pour une période de quatre ans.
Il repose sur des objectifs. En fonction de ces objectifs, des moyens sont mis à la disposition des établissements.
Les premiers contrats ont été signés en 1983 et portaient uniquement sur le volet recherche. En 1984, deux lignes dans la loi précisent que les universités pouvaient désormais passer des contrats. Vers 1989-90, on a assisté à la signature des premiers contrats entre l'université et l'état. Et en 1994-95, on a réuni les contrats recherche et ceux d'établissement.
Quel était l'objet exact de ce rapport?
La demande a été formulée sous le gouvernement Jospin. Il s'agissait d'évaluer cette politique de contractualisation sur les dix dernières années. On m'a proposé la présidence de l'instance à qui était confiée cette étude. J'ai un peu hésité. J'étais un peu juge et partie dans l'affaire. En effet, quand Lionel Jospin était Ministre de l'éducation nationale, j'étais directeur de la programmation et du développement universitaire et donc chargé à l'époque de mettre en place les premiers contrats dans le Nord-Pas-De-Calais. Mais bon, on recherchait quelqu'un qui connaissait le sujet et puis cela faisait quand même huit ans. J'ai donc accepté.
Avec Mohamed Harfi, chargé de mission au Plan et Daniel Renoult, secrétaire général, nous avons formé le noyau dur de l'instance. Cette dernière résulte d'un savant mélange. On y trouve des gens qui connaissent bien cette question de la contractualisation, comme des personnels de l'éducation nationale, des présidents d'université, des directeurs de ministères et des chercheurs. Mais certains membres sont plus étrangers à ce problème. Nous avons par exemple un représentant du Conseil Général d'Ile de France ainsi qu'un représentant du CG de Bretagne.
Je peux vous dire que je n'ai pas regretté un instant d'avoir pris part à ce travail ! La diversité des membres composant l'instance tout comme leur assiduité ont rendu les débats passionnants.
Nous avons travaillé en 2002 et 2003 en respectant les délais qui nous étaient impartis. Nous avons passé l'année 2002 à nous réunir, en moyenne une fois par mois et à auditionner des gens. Cela allait du directeur de cabinet du Ministre de la Recherche aux organisations syndicales. Parallèlement, nous avons lancé des études, afin, notamment, de connaître l'opinion des cadres de l'université sur la contractualisation.
Durant l'année 2003, nous nous sommes interrogés sur la façon de tirer nos conclusions. Nous avons établi des comparaisons nationales et internationales. Par exemple, nous avons auditionné des représentants de la gestion des hôpitaux. Si le mode de fonctionnement n'est pas le même que celui des universités, il présente toutefois quelques points communs intéressants.
Lors de ce travail, ce qui a frappé toute l'instance, c'est le consensus qui se fait autour de la contractualisation. Certes, il y a des choses à améliorer, mais tous s'accordent à dire que cette politique est un progrès.
La contractualisation a-t-elle permis un renforcement du rôle du président d'université?
Un renforcement de son rôle et de son pouvoir, c'est évident ! Quand des laboratoires de recherche traitent directement avec le Ministère ou le CNRS, par exemple, il n'y voit rien !
Quand il reçoit une enveloppe budgétaire sur critères objectifs, il ne peut pas tellement protester!
Avec la contractualisation, le président doit établir un projet avec l'appui de son université et présenter un bilan. Cette politique le renforce non seulement à l'extérieur mais aussi à l'intérieur de son établissement.
Le risque, c'est que le projet reste au niveau de l'équipe présidentielle. Il y a un effort à faire pour impliquer davantage enseignants et étudiants. Cela dépend évidemment de la communication mise en œuvre au sein de l'université.
Comment alors développer cette communication?
Il n'y a pas de bonne recette. Cela dépend vraiment des établissements. Certes, le contrat doit rester l'affaire du président mais l'information doit être démultipliée. On pourrait imaginer par exemple une formation à destination des enseignants et des représentants étudiants afin qu'ils saisissent tous les enjeux de la contractualisation. Lors de nos auditions, nous avons eu des enseignants qui nous disaient "Nous, le contrat, on sait pas trop en quoi cela consiste." Le projet doit donc être largement diffusé.
Dans le rapport, vous estimez que la forme quadriennale adoptée par le contrat n'est pas forcément la bonne…
Effectivement. Un bon contrat doit être préparé, évalué, voire révisé à mi-parcours pour procéder à quelques ajustements. En quatre ans, c'est strictement impossible ! Le Conseil national d'évaluation (CNE) nous l'a dit. On court derrière les contrats. Les universités sont déjà en train de penser le prochain alors qu'on commence à évaluer le précédent.
Nous pensons que des contrats sur cinq ou six ans seraient plus raisonnables.
L'Etat est gestionnaire direct de 80% des ressources allouées à l'université. Faudrait-il procéder à un rééquilibrage?
Les ressources extérieures de l'université tendent à augmenter, grâce, notamment, aux collectivités, aux entreprises et parfois, aux droits d'inscriptions des étudiants.
Mais il est vrai que la part de l'État reste encore très importante. La critérisation l'emporte toujours sur la contractualisation.
Évidemment, l'État doit garder la maîtrise de l'ensemble. Mais il nous semble que la part d'autonomie doit augmenter. La part contractualisée devrait donc encore croître. Nous aimerions qu'elle passe au delà des 20 %.
L'idéal serait une plus grande autonomie avec un État qui donne les grandes orientations.
Vous considérez également que l'évaluation des contrats doit être renforcée. Est-ce à dire que le travail du CNE est insuffisant?
Pas du tout ! L'évaluation menée par le CNE pénètre au cœur des problèmes universitaires. Il est nécessaire que son rôle soit renforcé.
Il faudrait procéder à une évaluation à plusieurs niveaux :
Le LMD constitue-t-il un nouveau défi pour la contractualisation?
C'est un domaine que je connais un peu moins bien. Les contrats ne sont pas incompatibles avec le LMD mais il va falloir les adapter. Je ne me fais pas trop de souci là-dessus.
Les présidents devront néanmoins veiller à prendre en compte le "D" dans leur contrat.
Autre point essentiel : on doit absolument travailler à plusieurs niveaux. L'échelle de l'Etat Central demeure importante mais n'est pas la seule. Il faudra également tenir compte des villes, des agglomérations, des régions et, bien entendu, de l'Europe.
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